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Une multiplication par quinze des entreprises mécènes en dix ans

Grâce à la loi Aillagon dont on fête cette année le dixième anniversaire, le mécénat ne s’est jamais aussi bien porté en France. Non seulement les grandes entreprises accentuent leur présence en ce domaine, mais les PME s’y mettent aussi. Clubs de mécènes, à l’instar de celui du musée des Beaux-Arts à Lyon pour l’acquisition de tableaux, mais aussi, démarche d’une seule entreprise, associant les salariés : les différentes manières de jouer les mécènes s’élargissent.

 Le Gotha des entreprises lyonnaise en fait partie. On y trouve notamment bioMérieux, April, la Lyonnaise de Banque, Descours&Cabaud, Seb et bien d’autres. Une nouvelle association d’entreprise pour faire pression sur les pouvoirs publics, un nouveau lieu feutré, façon Cercle de l’Union pour réaliser ensemble des affaires ? Vous n’y êtes pas.

 Il s’agit simplement du Club de mécènes qui accompagne financièrement le musée des Beaux-Arts de Lyon dans l’acquisition d’œuvres : déjà cinq tableaux de grande valeur artistique à son palmarès.

Ce Club est né en 2008, d’une initiative de la Lyonnaise de Banque. Il s’agissait alors d’acheter le célèbre tableau de Nicolas Poussin, « La Fuite en Egypte » qui, sinon risquait de partir à l’étranger.

 Certaines des entreprises, au nombre de seize, ayant participé à cet événement ont alors souhaité renouveler leur soutien au musée. D’où la création dans la foulée du  « Club du musée Saint-Pierre », constitué en fonds de dotation.

 Depuis, ce Club n’a pas ménagé sa peine. En 2012, les entreprises membres ont participé à l’acquisition de trois œuvres de Pierre Soulages, puis ont abondé une partie du prix de l’œuvre de Jean Dominique Ingres, « L’Arétin et l’envoyé de Charles Quint » ; et enfin, plus récemment ont permis au musée lyonnais d’acquérir deux tableaux, « Rocher » et « L’Abreuvoir » de Jean-Honoré Fragonard pour un montant de 1 550 000 euros.

Trente-deux mille entreprises

Il est probable que sans la loi Aillagon, du nom du ministre de la Culture de l’époque, un tel développement du mécènat n’aurait pu avoir lieu.

Un colloque organisé par la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) Rhône-Alpes a permis, le 19 novembre, de faire le point sur cette décennie qui si elle n’a pas été flamboyante sur le plan économique l’a incontestablement été sur le plan du mécénat.

Cette loi est arrivée au bon moment : celui où l’Etat et les collectivités territoriales, de plus en plus impécunieux commençaient à se désengager de la culture.

Le résultat est là, impressionnant : le nombre d’entreprises adeptes du mécénat a été multiplié par quinze de 2002 à 2012 ! Elle sont passées de 2 000 à 32 000 actuellement.

Si on prend les 10 % traditionnels que représente le PIB régional, cela présente pour la seule région Rhône-Alpes près de 3 200 entreprises.

Le montant total des sommes investies dans le mécénat n’a malheureusement pas été multiplié par quinze, mais par un peu plus de trois, ce qui est déjà considérable, passant de 1 milliard d’euros en 2002 à 3,2 milliards actuellement.

Une crainte : que l’Etat revienne sur cette niche fiscale

 Qu’a apporté ladite loi Aillagon ? Elle a introduit une réductionde 60 % sur l’impôt sur les sociétés dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires HT, doublant l’avantage existant auparavant consenti aux entreprises.

 La réduction est également accordée pour les versements effectués au profit d’organismes publics ou privés dont la gestion est désintéressée et qui ont pour activité principale la présentation au public d’œuvres du spectacle vivant, de musique et du cinéma.

Enfin, elle incite à l’acquisition d’œuvres d’art ou de trésors nationaux par les entreprises : grâce à un exonération des œuvres d’art à la taxe professionnelle, réduction d’impôt de 90 % pour les versements réalisés pour acheter des trésors nationaux, extension aux biens culturels d’intérêt majeur situés à l’étranger ou entrés sur le territoire français depuis moins de cinquante ans.

 Une crainte exprimée lors de ce colloque : que l’Etat revienne sur ces dispositions qui sont aussi des niches fiscales. Ce n’est pour l’heure pas dans les tuyaux, mais la vigilance s’impose.

Sans cette loi, des manifestations aussi diverses que la Fête des Lumières, financée à 50 % par le mécénat ou les deux Biennales de Lyon (danse et art contemporain), n’auraient pu connaître l’ampleur qui est la leur actuellement.

 D’abord une affaire d’hommes

 Outre des petites sociétés spécialisées qui font le lien entre les artistes et les entreprises-il existe un marché du mécénat-de plus en plus de structures culturelles se dotent des compétences adhoc pour frapper à la porte des entreprises, à l’instar, par exemple de la Maison de la Danse à Lyon qui vient d’embaucher un spécialiste en provenance du Brésil.

Reste que le champ de développement qui reste encore largement ouvert pour le mécénat, est celui des PME.

Il apparaît, à entendre les patrons de PME mécènes que si le dispositif fiscal est important , il ne constitue pas la seule clé de son développement. Il permet, selon tel patron de PME « de créer un effet réseau pour des opérations de mécénat collectives, apportant un effet induit, même sur la plan économique » ; voire de susciter un « impact en interne, en associant l’ensemble des salariés aux actions, ce qui souvent suscite un engouement et est gage d’identification à l’entreprise », pour tel autre.

Avant d’être une niche fiscale, le mécénat reste d’abord une affaire d’hommes.

Photo : « La fuite en Egypte » de Nicolas Poussin, acquise par le Club d’entreprises mécènes du Musée des Beaux-Arts rassemblant seize des plus importantes soicétés lyonnaises.