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Patrick Bertrand : “ L’enjeu clé est de passer du foisonnement entrepreneurial vers l’hypercroissance”

Bilan d’étape pour Patrick Bertrand. Pour le président de Lyon French Tech, « l’enjeu clé d’aujourd’hui, tant au national qu’en local, est de passer du stade de foisonnement entrepreneurial vers une phase qui verra émerger des entreprises en hypercroissance. » Il souhaite voir émerger des entreprises leaders a minima au niveau européen. Entretien.

 

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est Lyon French Tech ?

Aujourd’hui, plus qu’une marque, la French Tech c’est la puissance d’un réseau international d’entrepreneurs et d’acteurs publics, au service de la croissance des start-ups et des scale-ups (cf : entreprise de moins de 10 ans, qui développe en propre des produits ou services innovants et qui est en phase d’hypercroissance).

Il y a au total 35 territoires labellisés French Tech dans le monde entier dont 13 en France, qui connectent les start-ups et scale ups aux bonnes personnes, et portent des dispositifs French Tech. Lyon French Tech est l’un de ces guichets.

La singularité de Lyon French Tech, c’est à la fois sa gouvernance et son champ d’actions :
une gouvernance solide qui fédère l’écosystème local des start-ups sous la forme d’une association et une vocation d’aller au delà du cahier des charges French Tech et de co-créer localement des actions collectives.

Que fait concrètement Lyon French Tech pour les start-ups ?

Les actions de l’association Lyon French Tech s’articulent autour de trois grands axes.
Le premier, c’est de mettre en réseau : nous sommes un hub gratuit d’orientation et de mise en contact : nous avons réalisé plus de 900 mises en relation en 2017 (720 en 2016) à l’échelle locale, nationale, internationale.

Le deuxième c’est de mettre en place les programmes French Tech à destination des start-ups et scale ups, et enfin, de coordonner les actions collectives qui permettent de combler localement les « trous dans la raquette » en terme d’accompagnement, financement, internationalisation. Par exemple, intégrer sur notre site web un annuaire des start-ups leur permettant d’accroître leur visibilité ou organiser des Lyon French Tech Breakfasts, petits-déjeuners mensuels d’information sur les offres des partenaires locaux et nationaux, publics et privés de la French Tech auprès des start-ups et scale ups.

Quel est le budget de Lyon French Tech ?

L’association Lyon French Tech dispose d’un budget local de 267 500 €, constitué grâce aux cotisations des administrateurs. Un budget volontairement mince car l’association n’a pas vocation à se substituer aux autres structures locales, mais à se focaliser sur les dispositifs « French Tech » et à coordonner les actions collectives.

Aussi, grâce au « label » French Tech porté par notre association, les start-ups et scale ups bénéficient de financements nationaux (opérés par BPI) fléchés vers Lyon pour le déploiement en local des programmes French Tech. A titre d’exemple, pour 2018, 8 millions sont débloqués au national pour déployer le French Tech Ticket, qui permet d’incuber pendant un an à Lyon des start-ups étrangères, avec comme objectif de les aider à commercialiser leurs produits en France, et French Tech Diversité destiné à soutenir financièrement et à accélérer les start-ups fondées dans des quartiers sensibles (quartiers prioritaires de la Ville) et/ou par des personnes étrangères, et/ou par des femmes, sur les 13 territoires French Tech de l’hexagone et l’Ile-de-France.

Combien de start-ups sont accélérées par Lyon French Tech ?

Au total, l’association a véritablement « accéléré » 22 start-ups via les dispositifs French Tech depuis 2015. 17 scale-ups dans le cadre du PASS French Tech et 5 start-ups étrangères dans le cadre du French Tech Ticket, accélérées pendant un an sur Lyon : Unicorn Bay, MLTek, Soluz Energia, Meshh et Vericampus.

Pour rappel, nous estimons à plus de 800 le nombre de start-ups sur Lyon, tous secteurs confondus (pas essentiellement du numérique) et notre écosystème local compte près de 20 incubateurs et 10 accélérateurs à la fois privés et publiques, tous secteurs innovants confondus.

Grâce à ces acteurs et certains programmes d’accélération, ce sont plus de 200 start-ups qui sont accélérées chaque année sur la Métropole de Lyon.

Quelle est l’évolution depuis la création de ce label sur Lyon ?

Le nombre de Pass French Tech a doublé entre 2016 et 2017 (passage de 4 à 8 lauréats en un an). Il y a aussi eu les réseaux thématiques French Tech, lancé en 2016 : nous sommes nés avec le numérique, mais plusieurs thématiques sont désormais ciblées sur Lyon. Nous avons confirmé notre importance sur 5 segments à l’échelle nationale : CleanTech-Mobilité, IOT-Manufacturing, HealthTech, FoodTech et EdTech-Entertainement. La cybersécurité et la Fintech sont également des segments montants à Lyon.

Quels sont les projets pour Lyon French Tech ?

A très court terme, sur 2018, deux projets très concrets vont nous mobiliser.
The Web Conference au premier semestre, qui fera de Lyon la capitale mondiale du web cette année et pour laquelle la présence French Tech et de ses start-ups et scale ups numériques et Deeptech sera incontournable.

Puis, tout au long de l’année, le projet phare de co-création de notre Lieu Totem, qui accueillera les start-ups et entreprises de l’écosystème numérique lyonnais et dont les travaux de réhabilitation seront finalisés en fin d’année, pour une inauguration courant printemps 2019.

Il y aura aussi une V2 de labellisation de la French Tech au national, avec un nouveau cahier des charges. L’appel à candidatures devrait être lancé d’ici le printemps.

Au delà de ces aspects, l’enjeu clé d’aujourd’hui, tant au national qu’en local, est de passer du stade de foisonnement entrepreneurial vers une phase qui verra émerger des entreprises en hypercroissance : nous souhaitons voir émerger des entreprises leaders a minima au niveau européen.

Comment se situe Lyon French Tech par rapport aux autres French Tech ?

Nous sommes dans une démarche de compétition bienveillante, et parfois même amicale. Nous co-construisons à l’échelle nationale et internationale cette communauté entrepreneuriale qui veut faire gagner la France et nous travaillons main dans la main, notamment dans le cadre des Séminaires Nationaux French Tech et des réseaux thématiques pour opérer de manière efficace et collective les dispositifs French Tech. Nous développons une forme de compétition saine et bienveillante, destinée à faire émerger, de nos territoires respectifs, nos champions internationaux : les PASS French Tech

Nous sommes fiers, sur un cumul de métriques, d’être systématiquement dans le peloton de tête des Métropoles French Tech, toujours en tête dans les classements que font les médias.

Ce qui constitue notre ADN, notre force à Lyon, c’est nos rapports privilégiés avec l’international. Via les entrepreneurs, et grâce aux pouvoirs publics locaux, Lyon est extrêmement bien connectée dans le monde, et ce même avant la labellisation des Hubs French Tech : nous avons des connexions privilégiées avec Boston, Montréal, Shenzhen, San Francisco, Lisbonne … Notre deuxième atout, c’est la connexion entre le monde de l’éducation et les start-up. Nous tentons de connecter au mieux les universités et écoles avec les start-ups pour du transfert technologique, de compétences, de talents. Ces transferts nous permettent notamment de nous distinguer dans la Deeptech.

Est-ce que vous pensez que la région Auvergne Rhône-Alpes a les moyens de devenir une Silicon Valley européenne comme l’a annoncé Laurent Wauquiez, le président de la région ?

Les ambitions exprimées par Laurent Wauquiez, de même que celles portées par la ville de Lyon et la Métropole qui soutient activement Lyon French Tech, sont essentielles car elles portent la confiance dans la capacité de nos entreprises à grandir et à s’internationaliser.

Au-delà des symboles, ce qui se passe en ce moment est tout simplement enthousiasmant. Cette dynamique va aussi être amplifiée par le mouvement French Fab (un nouveau label destiné à soutenir l’industrie française à l’international) car au fond, l’enjeu de la digitalisation du tissu économique est tout aussi important que l’émergence de leaders dans le domaine des technologies et du numérique.

Comment s’est passé le CES de Las Vegas cette année ? Les start-up régionales ou lyonnaises y ont-elles remporté des prix ?

Le risque, observé cette année, plus que toutes les autres éditions, est que les entrepreneurs restent « entre français » plutôt que de profiter de leur déplacement pour s’attaquer aux leaders internationaux.

Les start-ups lyonnaises n’ont pas obtenu de prix cette année, mais nous avons observé une tendance. Sur cette édition, nos entreprises, souvent primées de CES awards auparavant (Holi, Ubiant, My Blue Ship…) étaient situées hors de l’Eureka part, (réservé aux jeunes pousses) et investissaient des « marketplace » dédiées aux entreprises plus matures, avec des stands plus importants. C’est pour nous un bon signal, qui indique que ces entreprises consolident leur activité et continuent leur croissance.