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Le libéralisme financier est-il en péril ?

Depuis les années 1980, de nouveaux principes économiques ont vu le jour, inspirés des théories ultralibérales, notamment d’économistes appartenant à la Chicago School of Economics, très hostiles à la régulation des marchés financiers et fervents défenseurs de la libre circulation des capitaux. Ces principes répondent à la logique de la règle des « 3D », c’est-à-dire la déréglementation, la désintermédiation et le décloisonnement des mouvements de capitaux et des opérations financières. Cette règle a marqué l’affirmation et la domination de l’idéologie libérale et a donc consacré la mondialisation financière.

La règle des « 3D » a permis la généralisation des fonds spéculatifs ou Hedge funds, très souvent accusés d’avoir exacerbé ou provoqué de nombreuses crises économiques aiguës comme celles d’Asie en 1997, ainsi que celles qui ont suivi en Argentine et au Brésil au début des années 2000. Ainsi, on peut se poser la question de la légitimité du libéralisme en tant que levier de la croissance économique mondiale. Les Hedge funds ou fonds de couverture, ont pour certains économistes ou observateurs de la vie économique pénétré la conscience collective, incarnés en monstres financiers qui sèment la désolation où qu’ils aillent. A titre d’exemples, le fonds du célèbre Golden boy New yorkais George Soros est connu pour avoir précipité le départ de la Livre Sterling du système monétaire européen en 1992 ; l’effondrement du fonds américain Long Term Capital Management (LTCM) en 1998, a failli mener le système financier mondial à sa ruine.

Les Hedge funds sont des sociétés financières flexibles et non réglementées qui utilisent ce que l’on appelle un « effet de levier » pour diriger d’importants mouvements financiers vers des investissements ciblés. Le principe de « l’effet de levier » est très simple, il s’agit d’emprunter de très importantes sommes d’argent pour investir et espérer récupérer beaucoup. L’inconvénient de ce mécanisme, c’est que, tout comme il augmente les profits, il fait aussi grossir les pertes.

Ces fonds gèrent des sommes importantes pour le compte de leurs clients. Ils sont connus pour être flexibles, agressifs, très réactifs et profitent de la volatilité des cours boursiers, c’est-à-dire de la montée ou de la baisse des prix des actions et augmentent leurs profits grâce à des outils à la fois très sophistiqués et très risqués.

Notons que les Hedge funds semblent presque toujours se trouver au centre des crises financières les plus retentissantes. Plusieurs facteurs expliquent leur implication dans le déclenchement des crises à savoir :

1) La taille : non réglementés, les fonds spéculatifs ne sont que peu contraints de diversifier leurs investissements pour limiter les risques, comme les fonds traditionnels. Ils peuvent se concentrer sur une seule action, ce qui cumulé à « l’effet de levier », leur donne une influence considérable. A titre d’exemple, le fonds de George Soros est devenu responsable de l’une des transactions financières les plus célèbres de l’histoire financière pour avoir mobilisé la somme de 15 milliards de dollars afin de spéculer sur la Livre Sterling en 1992 ;

2) Un comportement moutonnier : quand les Hedge funds se concentrent sur une cible, ils ont tendance à être les leaders, ils sont suivis par les institutions financières traditionnelles, dont la réactivité est beaucoup plus lente. C’est pour cette raison que l’impression générale montre que les investisseurs agissent en troupeau, ce qui n’est pas toujours le cas. Lors des crises asiatique et brésilienne, les banques locales furent les premières à liquider leurs investissements et les fonds spéculatifs n’ont fait que suivre ;

3) Les prophéties auto-réalisatrices : dans ce cas, les pressions du marché peuvent déclencher des crises même s’il n’existe aucune raison de fond. La crise asiatique en est un exemple typique. Les pays de la région n’étaient pas très endettés et leurs politiques budgétaires étaient des plus solides. Mais la dévaluation de leur monnaie due en partie à la pression des Hedge funds, qui spéculaient sur les taux de change, a fait rapidement accroître leur dette, libellée en dollars, les rendant progressivement insolvables ;

4) La contagion : elle s’explique par le fait que les fonds spéculatifs opèrent au sein d’un enchevêtrement complexe de liens financiers. Si ces liens sont rompus, ce qui a débuté comme une crise localisée peut se transformer en crise systémique ou globale. La crise asiatique, russe et l’effondrement du fonds américain LTMC dans les années 90 et la crise actuelle des « subprimes » sont de bons exemples de contagion.

L’absence de réglementation concernant ces fonds spéculatifs est de nature à déstabiliser le système financier mondial, ce qui, à terme peut mettre en péril le système capitaliste dans son ensemble. Les opposants au système économique libéral voient les fonds spéculatifs comme un outil qui permettrait au capitalisme de mourir de ses propres contradictions. D’où la nécessité pour les autorités politiques et monétaires, de réglementer ces transactions en exigeant des banques, une analyse très détaillée concernant la solvabilité des Hedge funds avant de leur consentir des emprunts, en modulant la taille et les coûts de ces emprunts, en interdisant dans certains cas les ventes à découvert et en renforçant leur surveillance en empêchant que ces dernières soient utilisées comme instruments pour l’évasion fiscale ou le blanchiment d’argent.

Le libéralisme financier a joué un rôle « stabilisateur » dans un premier temps, car il a permis de lever des fonds importants et de fournir de la liquidité permettant ainsi d’accroître la taille des marchés ciblés, d’arrêter les hémorragies financières en intervenant à contre-courant des investisseurs traditionnels, afin de renverser la tendance sans provoquer des faillites d’entreprises. En effet, en 1998 quand la roupie indonésienne atteignit le niveau de 16000 roupies pour un dollar en juin de la même année, les Hedge funds l’achetèrent, l’amenant au taux plus raisonnable de 8000 roupies pour un dollar. Cette reprise a permis l’arrêt des faillites d’entreprises indonésiennes, endettés en dollars.

Cependant, ce même libéralisme financier a été aussi à l’origine de déclenchement de crises financières internationales, mettant à rude épreuve la crédibilité du dogme libéral et du système capitaliste, en tant que pourvoyeur de croissance et de développement économique. Ainsi, la régulation s’avère nécessaire pour la stabilité de l’économie mondiale et pour la pérennité du système économique actuel.