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Philippe Poulachon (Bellota-Bellota), l’entrepreneur arrivé à bon porc

Le président fondateur de Bellota-Bellota (littéralement gland-gland en espagnol) vient de fêter les dix ans de sa boutique aux Halles Paul Bocuse. Rencontre avec un expert du jambon ibérique.

Originaire de Juliénas, dans le Beaujolais, Philippe Poulachon a vécu à Lyon de 1979 à 1984. Elève au lycée Ampère-Bourse, il a ensuite intégré ESC Lyon, dans la même promo que Thomas Schmider et Didier Lenoir notamment.

Durant son cursus à l’école de commerce d’Ecully, le Mâconnais a réalisé une étude sur la dimension marketing de Paul Bocuse, qui venait de signer la première campagne d’un chef pour une marque d’électroménager, en l’occurrence les cuisinières Rosières. « Un signe prémonitoire… », sourit Philippe Poulachon, président de l’équipe du Petit Paumé 1984, qui allait débuter sa carrière professionnelle comme directeur export chez Georges Dubœuf, avant de fonder la filiale française de la société Caviar House, leader mondial de l’importation de caviar sauvage.

En 1995, le jeune entrepreneur crée Byzance pour diffuser caviar, saumon fumé et le jambon Bellota, avant d’ouvrir sa première boutique à Paris. Aujourd’hui, Bellota-Bellota (CA : 9 M€ en 2016) est en passe de devenir une success-story internationale avec six implantations dans la capitale, une septième au printemps boulevard Haussmann, trois à Hong-Kong et une boutique au cœur des Halles Paul-Bocuse. Inaugurée en novembre 2006, l’enseigne vient de fêter son dixième anniversaire. L’occasion d’évoquer avec Philippe Poulachon le succès de Bellota-Bellota et sa passion pour le porc ibérique.

Pourquoi avoir créé Bellota-Bellota en 1995 ?

Parce que je voulais créer ma propre entreprise en développant un produit original. J’ai découvert le pata negra lors d’un salon à Madrid. Une révélation. J’avais les poils qui se dressaient en le dégustant, une vraie émotion en appréciant sa texture, sa longueur en bouche et son amplitude aromatique. J’ai tout de suite voulu faire découvrir ce produit d’exception aux gastronomes français.

Il fallait juste que j’arrive à convaincre les professionnelles d’acheter un jambon hyper gras, hyper cher et complètement méconnu en France.

A 1000 francs le kilo contre 120 francs pour un jambon de Parme, l’affaire n’était pas gagnée ! C’est ainsi qu’est né le premier point de vente dédié au jambon ibérique dans le monde à Paris en décembre 1999, puis aux Galeries Lafayette l’année suivante et aux Halles de Lyon en novembre 2006.

Qu’est-ce qui fait la spécificité du jambon ibérique ?

Trois choses. D’abord, une race rare, proche de l’extinction à la fin des années 1980. A la différence du cochon celtique, dont est issu la plupart des jambons (Parme, San Daniele, Bayonne, d’York…), le cochon ibérique est le survivant d’une souche méditerranéenne qui a bien failli disparaître. Moins fertile, moins rentable, beaucoup plus gras, il n’est élevé que dans quelques régions d’Espagne, essentiellement en Andalousie, en Estrémadoure et dans la province de Castille-Leon.

Par ailleurs, le cochon ibérique présente la particularité de présenter une proportion de gras très importante, au détriment des muscles et de la viande. Cela tient à son mode de vie. En effet, pour s’adapter à son environnement et aux étés arides, il stocke de la nourriture durant l’hiver et le printemps. Cela se traduit par une épaisse couche de graisse sous la peau et le développement d’une graisse intramusculaire, le « persillé », dans la chair.

Un phénomène également observé sur la viande de bœuf Wagyu en provenance du Japon. Enfin, la dernière spécificité du cochon ibérique tient à son alimentation. Il se nourrit de glands tombés des chênes lièges, arbres centenaires présents dans les régions citées. C’est la graisse de ce gland, très fluide et riche en acide oléique, qui permet un affinage du jambon jusqu’à 5 ans contre huit mois en moyenne pour un jambon cru classique.

C’est tout ce processus de fabrication artisanale qui explique le succès et le prix de l’Iberico ?

Oui, c’est cette graisse à la fois périphérique et infiltrée dans le muscle qui donne la texture souple, l’amplitude aromatique, la puissance et la longueur en bouche des pétales du jambon pata negra.

Tous les jambons ibériques peuvent-ils revendiquer le nom de pata negra ?

Non, depuis janvier 2014, un décret royal a spécifié que seuls les cochons à 100% de sang ibérique pouvaient produire du jambon pata negra. Cela représente moins de 7% des effectifs totaux de cochons ibériques.

Compte tenu de ces spécificités, l’Iberico est-il meilleur à la santé que le jambon classique ?

Oui, incontestablement. Cela dit, je n’irai pas jusqu’à dire qu’il doit être remboursé par la sécurité sociale ! Une chose est sûre, il présente une graisse composée d’acides gras moniinsaturés, dont le fameux acide oléique qui, à lui seul, représente plus de 54% des acides gras sécrétés par la graisse des cochons ibériques de bellota.

Cet acide oléique est naturellement présent dans les glands du chêne, comme il l’est dans les olives. On est donc en présence d’un aliment qui fait monter le taux de cholestérol HDL, le bon cholestérol.

Vous venez de fêter les dix ans de présence aux Halles Paul Bocuse. Une deuxième implantation lyonnaise est-elle envisagée ?

Oui, on est très fier de notre boutique des Halles de Lyon, un lieu unique au monde compte tenu de la qualité des produits présentés. Je milite d’ailleurs pour que soit déposé un label « Les Halles gourmandes du monde » dont Lyon serait le site pilote, la référence. Cela dit, je m’interroge aussi sur une implantation dans le futur Grand Hôtel-Dieu.

Bellota-Bellota aurait sa place dans l’environnement de la Cité Internationale de la Gastronomie.

On suit ce dossier avec intérêt, surtout dans le cadre d’un projet de halles gourmandes en centre-ville. Enfin, je n’exclus pas une implantation à l’aéroport de Lyon-Saint Exupéry, sachant que nos perspectives de développement sont d’abord à l’international, que ce soit en Suisse, au Japon, en Belgique ou au Royaume-Uni.

Pascal Auclair

Pour 5 kilos de pétales de jambon Bellota-Bellota, il faut :

  • Un cochon ibérique de 170 kilos
  • 800 kilos de glands
  • Entre 42 et 60 mois d’affinage