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Coup de frein sur l’immigration choisie : une erreur économique

Bien sûr, tout le monde est d’accord : comme l’a dit un jour Michel Rocard, la France ne peut accueillir toute la misère du monde. Mais de là à se tirer une balle dans le pied en limitant encore plus l’immigration légale, c’est le pas de trop que vient de franchir le gouvernement. Un pas qui risque de se retourner contre notre économie à un moment où celle-ci n’en a pas vraiment besoin.

De quoi s’agit-il ? Des déclarations de Claude Guéant, ministre de l’Intérieur au Figaro Magazine dans lesquelles il explique vouloir réduire le flux d’immigration régulière directement lié au travail.

Celui-ci ne représente pourtant que 20 000 à 30 000 admissions légales chaque année. Il faut compléter ce chiffre avec les entrées autorisées au titre du regroupement familial, puisque les titres de séjour délivrés à ces étrangers leur permettent d’exercer une activité professionnelle en France, soit environ 7 000 adultes supplémentaires.

Comme la burqa ou le débat sur la laïcité, cette annonce faite à près d’un an des élections présidentielles, ne recèle aucune raison objective puisque cette immigration légale reste stable. Il s’agit donc d’une prise de position strictement politique. Si non seulement, politiquement sur ce terrain, notre ministre de l’Intérieur n’est pas sûr d’avoir raison, comme le prouve la montée du Front National, il l’est à coup sûr encore moins, économiquement.

Même Christine Lagarde a fait entendre une voix discordante au sein du gouvernement en expliquant que penser améliorer l’emploi des Français en réduisant les flux migratoires était, selon elle, une « vue à court terme »

Une affirmation facile à démontrer. Les chercheurs et cadres de haut niveau que les entreprises et laboratoires de la région Rhône-Alpes risquent d’avoir encore plus de mal à faire venir, ne prennent pas un emploi à un Français ; mais bien au contraire le plus souvent, viennent enrichir des compétences souvent manquantes. Pourquoi se priver de cibler nos besoins de main d’œuvre qualifiée en informaticiens, chercheurs, enseignants, cadres ?

Ces besoins sont prégnants dans des domaines très pointus. C’est déjà le cas dans des professions moins qualifiées encore, alors que la France doit malheureusement indemniser 2,3 millions de chômeurs. Depuis que la reprise est enclenchée, on constate un nombre grandissant de métiers sous tension, du BTP à l’hôtellerie, en passant par l’informatique. Que dire alors des emplois hautement qualifiés !

Autre retombée collatérale, ce tour de vis supplémentaire à l’immigration choisie, pourtant donnée comme table de la loi en début de quinquennat (il s’agissait alors « de faire venir les meilleurs »), va donner s’il en était encore besoin, de notre pays une vision rabougrie. Comment s’immerger dans le grand bain de la mondialisation sans s’ouvrir au moins au niveau des entreprises et en fonction des seuls besoins, aux apports extérieurs ?

Rien d’étonnant dans ces conditions si Cecilia Malmström, commissaire européenne aux Affaires intérieures ne cesse d’appeler les Etats de l’Union Européenne et notamment la France, à ouvrir leurs portes aux chercheurs et aux ingénieurs étrangers.

Ce repli sur notre pré-carré hexagonal qui risque de priver notre pays d’une valeur ajoutée venue d’au-delà de nos frontières, constitue une erreur économique. Prions le ciel qu’il ne s’agisse que d’un pur affichage politicien sans retombées réelles. Sinon, il y a gros à parier que les chefs d’entreprises donneront de la voix.

Dessin : Friandart