Les rosiéristes rhônalpins veulent se greffer sur la Chine

Sept des huit principaux rosiéristes rhônalpins se sont regroupés pour attaquer ensemble et non sans appréhension le marché chinois. Ils sont puissamment aidés à cet égard par la région qui a installé une véritable roseraie au pied du pavillon Rhône-Alpes de l’Expo universelle et par Benoît Hochard qui a tout quitté pour s’installer à Shanghai et servir de poisson pilote aux rosiéristes régionaux. En jeu, un marché énorme, mais dont le développement ne devrait pas être un jardin de roses…
A 46 ans, Benoît Hochard est en train de vivre l’aventure de sa vie. Il a revendu toute la production de sa roseraie située près d’Avignon et a fermé la porte de sa maison pour s’installer à Shanghai et se mettre sous la bannière d’Erai (Entreprise Rhône-Alpes international) et de la région Rhône-Alpes.
Cet ancien producteur d’eau de rose est chargé de la roseraie située au pied du pavillon Rhône-Alpes sur le site de l’Expo universelle où tant de visiteurs se font photographier. Mais derrière ce rôle de jardinier rhônalpin aux cinquante variétés de roses, se profile un enjeu économique de taille. « Nous sommes face à un marché énorme et nous avons beaucoup d’atouts pour nous imposer », s’enthousiasme le rosiériste. Les sept principaux rosiéristes rhônalpins se sont regroupés pour vendre en Chine les nombreuses variétés qu’ils créent chaque année. Huit moins un, Mailland Richardier (Diémoz, Nord-Isère), le Bocuse de la rose n’a pas pour l’heure voulu participer à l’aventure.
Sans doute la crainte chez lui -et il est vrai pour la plupart des rosiéristes- de voir leurs petites merveilles copiées sans vergogne par les pépiniéristes chinois : ils connaissent aussi l’art de la greffe. On sait en effet que l’Empire du Milieu est aussi celui de la contrefaçon.
Mais pour Benoît Hochard, « le risque est somme toute limité car le pépiniériste qui s’amuserait à copier verrait la source des nouvelles variétés se couper aussitôt. Je veille au grain ! » Le jardin qui accueille le visiteur au pied du pavillon rhônalpin, qui à l’issue de l’exposition universelle, sera offert à la Chine par la région, constitue en effet la vitrine de ce vaste projet.
C’est historique, la France est en pointe en Europe et dans le monde en matière de roses. Et Rhône-Alpes possède sur son sol les principaux rosiéristes présents sur le marché français. A eux seuls, ils représentent 50 % du marché française. Or, si l’on connaît la rose de Chine, les professionnels de l’Empire du Milieu sont dans ce domaine très en retard. Les Chinois sont pourtant très férus de fleurs. Et la rose porte comme souvent ailleurs, une image symbolique très forte du romantisme français et du mariage.
Un accord a été passé avec une pépinière d’Etat de Fengxi, située à une heure de route de Shanghai. Benoît Hochard y cultive depuis un an une cinquantaine de variétés créées ces dernières années. Ces roses qui s’habituent plutôt bien au climat tropical shangaïen ont pour nom « Paul Bocuse », rose orangé, « Sourire d’orchidée » d’un blanc pur, « Ananapurna », blanche et très parfumée ou « Rosé de Tavel », du nom de l’appellation viticole provençale grande productrice de rosé. Une rose…rosissime, bien évidemment.
« Nous allons procéder en septembre à des greffages tests avec un centre d’expérimentation avec qui nous venons de passer un accord », se félicite Benoît Hochard. Et celui-ci de poursuivre : « Je prendrai ensuite mon bâton de pèlerin pour visiter un à un les pépiniéristes chinois. Il s’agira d’instaurer des partenariats destinés à mettre en culture des rosiers rhônalpins chez eux, avec royalties à la clef. »
Si le marché de la jardinerie n’existe pas encore en Chine, ou si peu, ces roses devraient d’abord trouver naturellement un débouché en direction des dizaines de millions de mariages célébrés chaque année en Chine.
« J’ai bien conscience que l’avenir à l’export des rosiers rhônalpins repose sur mes épaules. C’est un vrai challenge, mais je pense que je devrais y arriver, l’intérêt manifesté par les Chinois pour la roseraie que nous avons installée ici est vraiment encourageant», reconnaît Benoît Hochard qui sait qu’il peut compter sur le soutien du bureau d’Erai (Entreprise Rhône-Alpes international), le bras armé à l’export de la Région. Reste à savoir quelle partie de la fleur l’emportera dans cette aventure : la fleur d’un pari raisonné ou les épines des difficultés à venir ? Le marché chinois est tout, sauf facile.
(*) Pépinières et roseraie Paul Croix (Bourg Argental, Loire), Roseraie Dorieux (Montagny, Rhône), Roseraie Ducher (Chateauneuf, Loire), Roseraie Guillot (Chamagnieu, Isère), Roseraie Reuter (Saint-Georges d’Esperanche, Isère), Roseraies Laperriere (Saint-Quentin-Fallavier, Isère) et Roseraie Orard (Feyzin, Rhône).
Photo (DL): Benoît Hochard, « c’est un vrai challenge… »