À Lyon, sécurité et civisme s’imposent comme enjeux structurants du débat public

Le 18 mars dernier, la troisième rencontre thématique organisée par le mouvement Lyon au Cœur a rassemblé près de 250 personnes autour de deux préoccupations majeures pour les Lyonnais : la sécurité et le civisme. Cette mobilisation, loin d’être symbolique, révèle une attente forte de la population et des acteurs de terrain pour des actions concrètes, locales, et immédiatement applicables. Sous l’impulsion de sa présidente Béatrice de Montille, le mouvement a proposé un diagnostic sans concession, accompagné de pistes d’action opérationnelles et pragmatiques.
Une inquiétude grandissante face à l’insécurité du quotidien
Selon un sondage récent évoqué lors de cette réunion, 63 % des Lyonnais se déclarent insatisfaits de l’action municipale en matière de sécurité. Ce chiffre traduit une inquiétude persistante, que confirment les données officielles : hausse de 76 % des délits liés au trafic de stupéfiants, augmentation de 47 % des violences sexuelles et de 39 % des vols dans les véhicules, sans compter les incivilités du quotidien qui empoisonnent la vie des habitants.
La présence policière est jugée insuffisante. Avec un policier municipal pour 1 851 habitants, Lyon affiche l’un des plus faibles ratios parmi les grandes métropoles françaises. À titre de comparaison, Toulouse ou Strasbourg ont renforcé leurs effectifs et mis en œuvre des politiques volontaristes, ce qui a permis de faire reculer significativement la délinquance et les actes d’incivilité.
Un rôle central pour la municipalité
Dans le débat public, la question de la sécurité reste souvent attribuée à l’État. Or, les interventions des participants à cette rencontre ont souligné à plusieurs reprises le rôle essentiel que peut jouer une municipalité. Le maire détient un pouvoir de police qui lui permet d’agir en matière de prévention de la délinquance, de tranquillité publique et de propreté urbaine.
La coordination entre la police municipale et la police nationale reste cependant un point de friction. Les échanges ont mis en lumière une nécessité forte : celle de dépasser les cloisonnements institutionnels pour créer un pilotage unifié, réactif, capable d’agir rapidement sur les zones sensibles et de répondre aux attentes des habitants.
La vidéoprotection, un levier encore sous-utilisé
Dominique Legrand, président de l’Association nationale de vidéoprotection, est intervenu pour dresser un constat précis : Lyon dispose de près de 600 caméras, mais leur exploitation reste largement sous-optimale. En l’absence de mutualisation entre la ville et les communes périphériques, et sans interconnexion à l’échelle métropolitaine, le potentiel du dispositif reste limité.
L’utilisation des technologies intelligentes, notamment les systèmes capables d’analyser en temps réel les comportements suspects, pourrait permettre une efficacité accrue sans augmentation massive des investissements. Selon les spécialistes présents, il serait possible de faire cinq fois mieux avec le matériel déjà en place, à condition de moderniser la gestion et d’organiser une réelle synergie entre les services concernés.
La lutte contre les incivilités, un impératif de cohérence
Les témoignages recueillis lors de cette réunion ont convergé vers un même constat : en matière de sécurité, tout commence par le respect des règles élémentaires du vivre ensemble. La théorie dite de la vitre brisée, qui postule que les petites infractions non sanctionnées encouragent les délits plus graves, a été largement évoquée.
Les villes de Toulouse, Bordeaux ou Cannes ont montré que la verbalisation systématique des incivilités (tags, jets d’encombrants, nuisances sonores, occupation illégale de l’espace public) permet non seulement de réduire le sentiment d’impunité, mais aussi d’améliorer concrètement la qualité de vie. À Lyon, la mise en place d’une brigade anti-incivilités dédiée fait partie des propositions jugées prioritaires, notamment pour répondre aux attentes des quartiers les plus affectés.
Des outils numériques pour rapprocher la population de l’action publique
L’exemple de l’application “Allô Toulouse”, qui permet aux citoyens de signaler en temps réel les incivilités et les dysfonctionnements urbains, a retenu l’attention des participants. Sa simplicité d’utilisation et l’efficacité des réponses apportées en ont fait un outil reconnu et apprécié.
Pour Lyon, la proposition de créer une application similaire — baptisée “Lyon Civique” — a été formalisée. Elle viserait à structurer un dialogue permanent entre habitants, police municipale et services de la ville, tout en valorisant les bonnes pratiques et en centralisant les données utiles à la prise de décision. Un tel dispositif renforcerait également le sentiment d’appartenance et de responsabilité partagée au sein des quartiers.
Le rôle des associations et du sport dans l’éducation au civisme
L’approche répressive ne peut suffire à elle seule. Plusieurs interventions ont rappelé l’importance de la prévention, notamment par l’éducation et la culture du respect. Jacques Cadario, coprésident de l’association LOU Rugby, a partagé son expérience du rugby comme vecteur d’apprentissage du respect, de la discipline et de l’effort collectif. Il a rappelé que ce sport, autrefois considéré comme brutal, a su devenir un exemple de civisme et de maîtrise de soi.
Les clubs sportifs, les associations de quartier, les établissements scolaires sont autant de lieux où peut se construire une culture partagée du respect des règles, de l’espace public et des autres. La sensibilisation dès le plus jeune âge, intégrée aux politiques municipales, est considérée comme une action de fond indispensable pour enrayer les comportements à risque.
Des exemples locaux qui inspirent l’action
L’un des témoignages les plus marquants de la soirée a été celui d’Eddie Gilles-Di Pierno, président du Comité d’intérêt local des États-Unis (Lyon 8e). Pendant des années, un marché sauvage installé dans le quartier générait insécurité, désordre et sentiment d’abandon. Après une médiatisation nationale du problème et l’intervention coordonnée de 60 agents municipaux, la situation a été réglée en une journée. Ce cas illustre la puissance d’une action publique résolue, coordonnée, et soutenue politiquement.
Pour les responsables de Lyon au Cœur, il ne s’agit pas uniquement de pointer les dysfonctionnements, mais bien de démontrer qu’une volonté politique forte, appuyée sur des moyens proportionnés et des dispositifs bien conçus, peut transformer durablement la réalité du terrain.
Des propositions concrètes, adaptées à la réalité lyonnaise
À l’issue de la rencontre, plusieurs propositions ont été formulées pour améliorer la sécurité et le civisme à Lyon. Elles s’articulent autour de trois axes : renforcement des moyens, amélioration de la coordination, et mobilisation des citoyens. Parmi elles, on peut citer :
- Le recrutement de 100 policiers municipaux supplémentaires pour se rapprocher des standards d’autres grandes villes.
- La création d’une brigade anti-incivilités dédiée aux tags, dépôts sauvages et nuisances récurrentes.
- Le développement d’un plan de modernisation de la vidéoprotection, avec interconnexion des dispositifs existants.
- La mise en place d’une application citoyenne de signalement.
- La mise en œuvre d’actions éducatives et sportives centrées sur le civisme, en partenariat avec les clubs et les associations locales.
Chacune de ces propositions repose sur une idée simple : faire mieux avec l’existant, en s’appuyant sur les acteurs du terrain, les technologies disponibles et une volonté municipale claire. L’objectif n’est pas de multiplier les dispositifs mais de les rendre cohérents, visibles et efficaces pour les habitants.