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Une usine chargée d’histoire, aujourd’hui en sursis

Le monde de l’industrie agroalimentaire est en pleine mutation, et la fermeture de l’usine historique de Blédina à Villefranche en est une illustration criante. Après plus d’un siècle d’activité, ce site emblématique de la région va voir sa production délocalisée en Pologne, une décision qui soulève de nombreuses questions sur l’avenir des emplois et du tissu industriel local.

Une usine chargée d’histoire, aujourd’hui en sursis

Implantée depuis 1881 dans la commune de Villefranche, l’usine de Blédina a longtemps été un symbole pour la ville et ses habitants. Spécialisée dans la fabrication de céréales infantiles, elle représentait une part importante de l’économie locale. Pourtant, la décision de fermer ce site, annoncée récemment, marque la fin d’une époque.

Les 117 salariés du site ont été informés en toute transparence lors d’une réunion exceptionnelle du comité social et économique (CSE). La fermeture est programmée dans deux ans, avec une étape clé : la délocalisation de la production en Pologne, sur le site d’Opole. Une annonce qui a fait l’effet d’un coup de massue pour beaucoup, notamment ceux qui travaillent ici depuis plusieurs dizaines d’années.

Les salariés face à une décision qui bouleverse leur quotidien

Pour ces employés, souvent proches de la retraite ou ayant plusieurs années d’ancienneté, cette annonce s’accompagne d’un sentiment d’incertitude et de frustration. Beaucoup craignent la perte de leur emploi, mais aussi l’éloignement de leur environnement familial. La fermeture du site intervient alors que l’usine doit également fermer pour une semaine, dans le cadre d’un entretien de l’outil industriel prévu de longue date.

Un cariste, qui préfère garder l’anonymat, témoigne : « La nouvelle est très mal accueillie. La majorité d’entre nous ont entre 20 et 25 ans de boîte. » Il ajoute que cette fermeture impactera également les familles avec de jeunes enfants, qui devront envisager de rejoindre d’autres sites du groupe pour continuer leur activité.

Les projections de production montrent également un déclin évident, avec une baisse du tonnage annuel estimée à environ 9 100 tonnes pour cette année, contre plus de 13 tonnes en 2017. Un indicateur clair que l’usine traverse une période difficile, même si la direction affirme que cette délocalisation n’est pas une décision prise à la légère.

Les raisons économiques et stratégiques derrière la fermeture

Pour comprendre le contexte, il faut remonter à plusieurs années en arrière. La fin de la production de certaines gammes emblématiques, comme les Cracottes ou Craquinettes en 2013, a été un premier signe du déclin du site. Une pétition avait alors été lancée pour tenter de sauver la production locale, en vain.

Les analyses montrent que plusieurs facteurs expliquent cette évolution. La baisse du marché algérien, suite aux tensions diplomatiques entre la France et l’Algérie, a entraîné une perte de 600 tonnes de production annuelle. En parallèle, la stratégie de groupe a évolué pour privilégier la délocalisation dans des pays où le coût de production est moins élevé, notamment la Pologne.

Le groupe Danone, propriétaire de Blédina, met en avant une volonté d’investir dans ses sites européens, en annonçant une enveloppe de 300 millions d’euros à investir d’ici 2027. Selon la société, cette stratégie permettrait de relocaliser près de 45 000 tonnes de production en France d’ici à 2028, mais ces chiffres ne compensent pas totalement la fermeture du site caladois.

Délocalisation ou simple restructuration ? La ligne ténue

Si Danone insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une délocalisation classique, la réalité pour les salariés est tout autre. La production de céréales infantiles sera désormais exclusivement assurée à Opole, en Pologne, un site déjà opérationnel et capable de répondre aux besoins européens. La société affirme que cette opération est une « réorganisation » visant à optimiser la compétitivité.

Pour autant, de nombreux employés et observateurs locaux perçoivent cette décision comme une délocalisation déguisée, qui se soldera par la disparition d’un outil industriel historique en France. La crainte principale reste le maintien des emplois en France, qui pourrait se réduire dans les années à venir.

Les enjeux pour la filière locale et le tissu économique

Au-delà de l’impact sur les salariés, la fermeture de l’usine touche tout un écosystème économique. Les sous-traitants locaux, fournisseurs et PME partenaires voient leur activité diminuer, voire disparaître. La région, qui a longtemps bénéficié de cette industrie, doit aujourd’hui faire face à une nouvelle réalité.

Une ancienne employée témoigne : « J’ai travaillé 20 ans dans cette usine, et c’était une véritable institution. La fermeture, c’est comme si on perdait un pan du patrimoine local. » La dégradation de l’emploi dans la région pourrait aussi entraîner une baisse de consommation dans le secteur, affectant d’autres acteurs locaux.

Les perspectives d’avenir pour la région et l’industrie

Face à cette situation, plusieurs questions se posent. La première concerne l’avenir de l’industrie agroalimentaire en France, qui doit concilier compétitivité économique et maintien de ses emplois. La stratégie de Danone, tout en étant orientée vers la croissance, soulève des débats sur la responsabilité sociale des grands groupes.

Des investissements importants pour moderniser et relocaliser la production sont annoncés, mais leur efficacité dépendra de la capacité à préserver l’emploi local. La région doit également réfléchir à des mesures pour soutenir ses acteurs économiques face à ces mutations.

En somme, la fermeture de l’usine Blédina de Villefranche illustre un changement de paradigme dans le secteur, où la recherche de coûts compétitifs prime souvent sur le maintien du patrimoine industriel. La question reste ouverte : comment préserver l’équilibre entre innovation, compétitivité et responsabilité territoriale ?