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Association Promofluvia : pour que le fleuve ne meure pas !

Un grand oublié, grand sous exploité parmi les modes de transport. Et pourtant ses atouts ne manquent pas !
 

Ancien cadre du service de la direction départementale de l’Equipement de l’Eure puis secrétaire général de la direction départementale de l’Equipement de Haute-Saône, du service de la navigation Rhône-Saône puis de la direction départementale de l’Equipement du Rhône, Jean-François Gros, membre de longue date de l’association de promotion fluviale, Promofluvia, en est devenu président voici neuf ans. Après trois mandats, ce licencié de Lettres Modernes qui se jeta à l’eau pour la bonne cause, vient de transmettre le gouvernail à Gilles Durel, ancien cadre de la Compagnie Nationale du Rhône.

 Une occasion de dresser un bilan des actions menées et des dossiers en cours.
 
« Promofluvia, un flot d’idées pour la voie d’eau », le slogan de l’association n’est pas usurpé et d’ailleurs plusieurs dossiers qu’elle a menés ont contribué à faire émerger  des réflexions, travaux et propositions dont certains furent repris par des instances régionales ou par des ministères.
 
Promofluvia, association loi 1901, qui pourrait être considérée comme une association d’intérêt général, selon beaucoup, a été créée en 1982. Riche de 120 adhérents, en majorité issus du monde et du mode fluvial et de ses déclinaisons et répartis en trois collèges (particuliers, professionnels, collectivités) elle représente un réseau de compétences pour conseiller, innover, concevoir, développer des idées et faire en sorte que cette voie d’eau, si méconnue, si mal exploitée, si mal défendue, par manque d’information, paresse, négligence ou vision politique à court terme, gagne enfin une place correcte au sein des différents modes de transport.
Mais quel décalage entre les déclarations d’amour et la réalité du terrain ! Les armateurs fluviaux, les mariniers, les travailleurs de la voie d’eau, les organismes de développement fluvial, ceux qui vivent et évoluent sur l’eau voudraient des preuves tangibles, fiables, sonnantes et non trébuchantes d’amour !
Parmi les chantiers menés ces dernières années par Promofluvia, sous la houlette ferme et sympathique de Jean-François Gros, on peut retenir, entre autres, les dossiers relatifs à la définition de termes juridiques et de réglementations. L’un des membres actifs de l’association, Jacques-Edouard Mounier, a réussi à réunir sur ces sujets des acteurs comme VNF, CNR, les pompiers, la gendarmerie, les administrations, les collectivités, des pêcheurs, des sportifs pour redéfinir des règlementations (sécurité, innovations…) qui étaient bien trop « dispersées ». VNF a ensuite repris la main pour faire avancer ces questions. Le groupe de travail Réglementation, Sécurité, Navigation, Service d’Informations Fluviales (RSN-SIF) qu’anime M. Mounier poursuit l’examen de la prise en compte des nouveaux textes en relation avec la DDT 69, VNF, CNF, les ministères, la police, la gendarmerie, le SDIS, l’association nationale des plaisanciers en eau intérieure-ANPEI-, le Comité des armateurs fluviaux –CAF-, la Chambre nationale de la batellerie artisanale –CNBA…Promofluvia participe aussi aux réunions des commissions sécurité de VNF, poursuit les tests des logiciels de navigation, des cartes ECDIS et de l’AIS, participe à la mise en place du Système d’information fluvial avec la CNR pour le Rhône, VNF pour la Saône et EDF pour le Rhin supérieur. Le groupe de travail doit accentuer sa communication et pense établir un catalogue des informations mises à disposition avec ou sans convention par VNF. Promofluvia communique des synthèses sur son site internet.

Le transport fluvial : l’Alternative éco-logistique

Quelques autres initiatives : Lorsque la Maison du Fleuve Rhône a dû cesser ses activités  voici quatre ans, Promofluvia, soutenue par la DRAC, a racheté l’ensemble de son fonds documentaire soit environ  3 000 documents. La Bibliothèque municipale de Lyon en assure désormais la gestion pour le compte de Promofluvia. Dans le même ordre d’idées, quand la Région Urbaine de Lyon –RUL-  a été dissoute, Promofluvia a repris deux études, l’une sur l’habitat-logement sur des bateaux de commerce, et l’autre, sur la récupération et la transformation de conteneurs en abris et habitats. Promofluvia a assuré la maîtrise d’œuvre de ces deux dossiers. L’étude est achevée. Si des mariniers sont intéressés par cette initiative, qu’ils contactent l’association.
Anne Estingoy, ex cadre de VNF, anime la commission Transport. Elle participe à des démarches nationales et s’implique auprès de la fédération Agir pour le Fluvial, fondée en juin 2017, par des bateliers insatisfaits de la prise en compte du secteur fluvial par les pouvoirs publics. Les motifs d’insatisfaction sont hélas nombreux et les propos d’Elisabeth Borne, ministre des transports, sont peu rassurants. Pourtant, à ses côtés, elle a maintenant Marc Papinutti, ancien directeur général de VNF!
Les besoins d’investissement de l’infrastructure fluviale, tant pour la régénération de l’existant que pour le développement du réseau sont criants ! Les trains qui roulent (quand ils roulent !) sur des voies obsolètes sont obligés de ralentir leur vitesse, les bateaux sont eux aussi pénalisés par des voies d’eau insuffisamment entretenues et les voies routières elles aussi montrent des signes évidents de fatigue !

Agir pour le Fluvial –APLF- a produit une contribution dans le cadre des Assises de la mobilité. Les principales propositions portaient, entre autres, sur la réhabilitation du réseau existant et le développement de l’infrastructure, la maîtrise foncière des espaces riverains des voies d’eau, la nécessité d’inscrire les enjeux de l’Etat dans les schémas régionaux d’aménagement du développement durable et d’équilibre du territoire –SRADDET-, la nécessité d’améliorer fortement le traitement des bateaux fluviaux dans les ports maritimes. Sur ce chapitre, le Port de Marseille-Fos est régulièrement pointé du doigt par des professionnels bateliers rhônalpins excédés.
 
Un océan d’aberrations  avec une « dénavigation »  prévue de 20% du réseau !
 
D’autres propositions de l’APLF concernent la mise en place de mécanismes fiscaux ou autres pour répercuter des effets externes des différents modes sur le prix du transport, la mise en place de leviers juridiques et financiers pour améliorer la prise en compte des enjeux fluviaux par les acteurs publics et privés et la nécessité de coordonner politique d’accueil logistique et politique transports, un point sur lequel les Régions pourraient peser.

« L’abandon de l’écotaxe a été un très mauvais signe pour  le mode de transport fluvial de marchandises » martèle Anne Estingoy. AMLF a produit et diffusé une note d’observations sur le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures comprenant un contre argumentaire sur la proposition de « dénavigation » de 20% du réseau ! Une lettre sur ces questions a été adressée à tous les députés. En attente de réponses !!!
 
Sur le Port de Lyon, dans le bâtiment construit par la CNR et occupé par Promofluvia, se trouve un équipement unique en son genre en France pour le fluvial : le simulateur de conduite en 3 D intégrant une véritable cabine de pilotage.

Inauguré le 1er avril 2016, cet équipement répond à l’évolution du transport fluvial, à l’arrivée sur le Rhône d’embarcations adaptées à la logistique et à l’intermodalité qui nécessitent de former des professionnels de la voie d’eau compétents. Le Rhône est un fleuve fougueux qui exige une excellente compétence professionnelle. L’investissement, qui flirte avec les 3 millions d’euros, a été assuré par CNR (43%-mission d’intérêt général),  le Comité des Armateurs Fluviaux (13%),  le Centre d’Etudes et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement –CEREMA- (24%), l’Europe (17%) et VNF (3%), plus tardivement pour la partie Saône.  En 2017, le simulateur a bénéficié de l’installation de la fonction » Radar ».
Le simulateur reproduit 70 km de navigation sur 9 sites réputés délicats à naviguer sur le Rhône et 6 sites sur la Saône. Il reproduit de façon virtuelle le comportement réel de 5 types de bateaux, chargés ou vides, selon la météorologie, le courant, les ordres de barre et de machines.

Cet outil apprécié a marqué un tournant positif dans la vie de Promofluvia.  L’institut Fluvia commercialise les formations, insuffisantes encore pour arriver à un équilibre de fonctionnement. La Compagnie Fluviale de Transport –CFT-, les croisiéristes comme CroisiEurope, qui évoluent sur le créneau de la plaisance, en expansion, sont des utilisateurs réguliers du simulateur pour leurs pilotes en formation ou confirmés.

« Une étude est en cours au ministère des transports pour définir les zones fluviales considérées à risque et pour lesquelles une formation complémentaire sur simulateur serait exigée » explique Jean-François Gros à propos de cette initiative qui apporterait un ballon d’oxygène au simulateur et qui éviterait accidents et incidents.
 
 

Trois questions à Jean-François Gros 

Annick Béroud : Le public, les élus, les politiques mais aussi les entreprises et les commissionnaires de transport ignorent les possibilités du fluvial et ses atouts écologiques, économiques, intermodaux. C’est un lourd handicap pour préparer l’avenir et rééquilibrer le recours aux divers modes de transport. Comment agir  quand on réalise qu’il n’y a ni stratégie ni volonté politique à l’heure où l’on évoque la « dénavigation ». C’est grave…
 
Jean-François Gros : Sans cesse, Promofluvia et ses alliés doivent communiquer sur le mode fluvial. Nous le faisons lors de nos réunions périodiques 5 à 7, lors de nos participations à de multiples colloques, conférences et manifestations diverses en France, lors de nos voyages d’études où à chaque fois d’ailleurs que nous sommes dans les pays du Nord de l’Europe nous constatons les fâcheuses différences d’actions, de décisions et de traitements chez eux et chez nous… En octobre 2017, Promofluvia a convié sur la vedette « Le Rhône » de VNF une cinquantaine d’élus de collectivités riveraines de la voie d’eau à assister à des ateliers de réflexions sur la multimodalité, le développement économique, la réappropriation du fleuve… Les élus connaissent mal le fleuve et les métiers et possibilités du fluvial et pourtant les décisions de certains maires peuvent être cruciales pour notre cause. Tant qu’il n’y aura pas de réelle volonté politique de développement, d’engagements fiables, d’investissements concrets, la voie d’eau restera, malgré ses atouts, le parent pauvre et sous-exploité des transports. Les fleuves ne semblent vraiment pas être une préoccupation majeure du gouvernement actuel.  Dans le cadre des élections présidentielles de 2017, Promofluvia avait écrit aux candidats du second tour pour connaître leurs intentions par rapport au transport fluvial. Aucune réponse !
 
Annick Béroud : L’association Promofluvia, créée en 1982, compte plus de 100 adhérents, un solide réseau de correspondants et son budget de 76 000 euros est notamment constitué grâce à votre mission de formation ASP-Attestation Spéciale « Passagers ». Comment évolue ce poste ?
 
Jean-François Gros : Promofluvia assure cette formation. Elle organise les épreuves théoriques et pratiques de l’examen. Promofluvia a obtenu le renouvellement de son agrément jusqu’en octobre 2020. Comme pour le simulateur, il faut augmenter le nombre des stagiaires qui sont d’environ 90 par an mais les obstacles ne manquent pas avec l’arrêt de certaines formations notamment pour Eurodisney, la concurrence d’autres organismes, de nouveaux agréments accordés dans d’autres villes, sans oublier, une aberration de dernière minute : En effet, l’agrément ministériel n’étant apparemment pas suffisamment reconnu aux yeux des organismes financeurs, une certification « datadock » s’avère maintenant indispensable pour pouvoir être référencée auprès de ces organismes. A quand une troisième démarche ?!! Vous avez dit simplification…au pays des 400 000 normes !
Nous allons intégrer une visite-démonstration du simulateur dans notre programme de formation ASP pour accroître notre audience.
Autres points : La visite du Port de Lyon est appréciée de nos stagiaires qui découvrent les possibilités du bateau écologique et 100% électrique de CNR et d’autres bateaux. Ils appréciaient aussi la visite du SDMIS du Rhône, rue Pierre Corneille. Cette visite n’est plus possible et elle va être remplacée par un film de présentation !
 
 
Annick Béroud : Si vous étiez ministre des transports, quelles mesures prendriez-vous rapidement ?
 
Jean-François Gros : J’en finirais avec la question des THS-Terminal Handling Charges qui pénalisent le mode fluvial. L’expérience positive du Port de Dunkerque concernant l’intégration dans le THC de la manutention verticale devrait être dupliquée dans les autres ports à l’instar de ce qui se pratique dans les ports du Range Nord qui savent forfaitiser et mutualiser les coûts quel que soit le mode d’acheminement terrestre. Les bateaux fluviaux sont trop victimes de temps d’attente excessifs dans les ports maritimes ce qui renchérit le coût du fluvial, en ce point, il faudrait agir vite. Je trouverais un moyen d’équilibrer mieux mode routier et mode fluvial et cela passerait par des taxes, à définir, sur le transport sans valeur ajoutée pour les étrangers qui ne font que transiter par notre pays. En tenant compte de divers paramètres, je trouverais un financement plus équilibré pour chaque mode de transport et… à ce stade, j’aurais déjà été remercié ! Alors, si j’étais président, je m’occuperais en priorité du maillage du réseau à grand gabarit, pas uniquement Saône-Rhin mais aussi Seine Nord, Seine-Moselle, Saône-Moselle. Le manque de connexion des réseaux est un problème grave qui conduit à des aberrations. Est-il normal, par exemple, de faire transiter un bateau de plus de 38,50 mètres du Rhin, par Hambourg, à Gibraltar, chargé sur une barge maritime pour rejoindre Marseille et remonter le Rhône. Vous imaginez le temps et les coûts !
Les atouts du mode fluvial sont indiscutables mais comment faire évoluer les mentalités, les schémas logistiques, la perception des élus et des politiques  dans un pays en mauvaise passe économique, aux déficits et endettements abyssaux ?
 
ANNICK BÉROUD
 
Le prochain « 5 À 7 » de Promofluvia aura lieu le jeudi 5 juillet à 17 heures, dans les locaux de l’association – 1bis, rue de Dôle.
Le thème choisi concerne « les innovations technologiques pour la voie d’eau (motorisation, économies d’énergie, production d’énergie verte…).
Les intervenants seront : Cécile Cohas, chargée de recherches et innovation à la direction Rhône-Saône de Voies Navigables de France, Frédéric Storck, directeur transition énergétique et innovation à la Compagnie Nationale du Rhône et Matthieu Blanc, directeur Métier fluvial Groupe à Sogestran.

Un bateau de 4 000 tonnes = 100 wagons

 
Un convoi de 4 000 tonnes transporte l’équivalent de 180 semi-remorques ou de 100 wagons.
Les quatre atouts du transport fluvial concernent la fiabilité, la sécurité, l’économie, l’écologie, c’est un moyen de transport actuel et intermodal
Les Ports du Rhône composent un maillage de 18 sites industriels et portuaires positionnés tous les 20 km,  près de 250 entreprises implantées le long du Rhône et plus de 5 500 emplois directs et encore des hectares disponibles en bordure du Rhône.