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Ce n’est pas un phénomène de mode : à Lyon, huit ans après, le coworking a toujours le vent en poupe [Dossier]

Il y a huit ans, le coworking n’existait pas à Lyon. Aujourd’hui, plus d’une vingtaine d’espaces ont fleuri, chacun essayant de tirer son épingle du jeu. Tour d’horizon de l’état du coworking dans la capitale des Gaules.

Le boom du coworking dans la région lyonnaise expliqué en cinq points :

L’Atelier des Médias a ouvert ses portes en 2010 à Lyon. Le tout premier espace de coworking de la ville, fondé par un collectif de journalistes. Sept ans plus tard, il compte une soixantaine d’adhérents, et une multitude d’autres espaces ont essaimé dans la ville, faisant face à une demande de plus en plus forte dans les métropoles.

Paradoxalement à ce phénomène, en France le coworking ne représente encore qu’un tout petit segment des espaces de travail.

Seuls 9 % des actifs n’ont pas de postes dédiés, et la majorité travaille dans un bureau fermé (73 %), selon le baromètre Actineo 2015 dédié à la qualité de vie au bureau. Néanmoins, dans les villes, les coworkings sont de plus en plus recherchés par les travailleurs indépendants en quête de valeurs comme le partage, la solidarité et la convivialité.

Pour Michael Schwartz, co-fondateur de La Cordée, “Le coworking est une vraie nouvelle philosophie de travail, avec beaucoup plus de sens, de partage et d’énergie au quotidien. C’est une immense source d’espoir pour le monde du travail qui a un peu perdu sa boussole ces dernières années.”

Mais au fait, qu’est-ce que le coworking exactement ?

Au sens strict du terme, le coworking est un type d’organisation du travail qui regroupe deux notions : un espace de travail partagé, et un réseau de travailleurs encourageant l’échange et l’ouverture, travaillant parfois de manière collaborative.

Aujourd’hui, le mot est devenu un terme “fourre-tout”, où même des bureaux privatifs dans un espace commun peuvent être appelés coworking.

Diane Del Papa, co-fondatrice de l’espace Polygones, affirme que le mot a perdu son sens réel. “Aujourd’hui il y a plein d’espaces qui se revendiquent coworking, parce que ça marche, c’est moderne, ça attire les gens. Mais ce n’en sont pas. A Polygones, on a voulu vraiment recréer cette dimension de partage en ouvrant un espace relativement petit (une centaine de mètres carrés) où on ne peut accueillir que 17 coworkers maximum. Les gens se connaissent tous rapidement et collaborent ensemble sur certains projets. On partage également un repas tous les vendredis midi.” Des valeurs importantes pour ces travailleurs indépendants qui ne supportent parfois pas de devoir travailler seuls chez eux.

Un fonctionnement en réseau dans le Grand Lyon

A Lyon, un réseau d’espaces de coworking s’est formé en 2014, et la charte en a été modifiée en septembre 2017.

Les onze coworkings de ce collectif s’articulent autour de valeurs communes comme la bienveillance, le partage, l’égalité et la transparence et privilégient les indépendants ou les structures fragiles.

Les gros espaces accueillant des antennes d’entreprises comme Multiburo ou Now Coworking n’en font donc pas partie. On y retrouve par contre L’Atelier des Médias, La Cordée, Locaux Motiv’ ou encore Ecoworking. Aujourd’hui, plus de 1 200 coworkers travaillent régulièrement dans l’un de ces onze coworkings.

A terme, le collectif souhaiterait la mise en place d’un « visa » qui donnerait la possibilité aux coworkers du réseau de travailler dans l’un ou l’autre des espaces membres.

Des modes de travail différents selon les générations

A l’heure du tout numérique, avoir un bureau fixe est presque devenu obsolète. Pour Stéphanie Auxenfans, directrice générale de Multiburo, “Aujourd’hui, avec son ordinateur portable, on a son bureau sur soi. Les sociétés évoluent, et les modes de travail doivent évoluer aussi.”

Les centres d’affaires Multiburo “nouvelle génération” ont ainsi ouverts des Spot, espaces de coworking, pour répondre à la demande des travailleurs.

Pour le consultant Hugues de Vaulx, associé-fondateur à Coop Alternative, un cabinet conseil en responsabilité sociétale, plusieurs tendances expliquent cette nouvelle organisation du travail.

Les jeunes actifs veulent être plus libres, ne plus dépendre d’une pyramide hiérarchique, et privilégient le bien-être au travail, trois facteurs que ces nouveaux espaces peuvent leur apporter, en se basant sur la flexibilité et la liberté du travailleur.

L’arrivée du coworking tendance et décalé

 Après la montée en puissance du coworking, certains entrepreneurs souhaitent surfer sur ce nouveau phénomène en créant des espaces décalés, tendances, originaux. Une manière de renouveler l’offre et de rester toujours plus créatif.

C’est le cas notamment du tout nouveau Mama Works situé à côté des Halles Paul Bocuse dans le troisième arrondissement de Lyon. Créé par Serge Trigano, le fondateur des Mama Shelter, cet espace de coworking reprend le nouveau concept du “cool-working”, soit le fait de travailler dans une ambiance détendue, en ayant à disposition des salles réservées à la détente. Salle de sport, douches, studio de musique … les clients sont de plus en plus demandeurs de ces espaces originaux, loin des salles de travail aseptisées.

Autre exemple significatif, le Sofffa Café, situé rue Sainte-Catherine et victime de son succès, a récemment ouvert une nouvelle antenne dans le quartier de la Guillotière. Dans cet espace, les clients payent seulement le temps qu’ils y passent et ont accès aux boissons et pâtisseries gratuitement. Des événements y sont organisés régulièrement.

Pour faire face à la concurrence croissante, les tiers-lieux doivent apporter une plus-value de service”, commente le sociologue Antoine Burret. Cette plus-value se traduit donc par le décor, l’ambiance du lieu et les services proposés, mais aussi en ciblant des clients spécifiques.

A Lyon, le Food Factory cible les professionnels du culinaire par exemple, WebUp Space les entrepreneurs du web.

Des offres multiples, qui n’en finissent pas de faire des petits, et qui pourraient bientôt séduire les plus petites communes. Pourtant, peu d’entre elles en possèdent déjà.

Sur les 59 communes que compte le Grand Lyon, seuls Charly, Tassin, Francheville et Grigny ont ouvert leur espace de coworking. Selon Jean Pouly, co-créateur du Melchior, basé à Charly, “on a besoin de politiques publiques pour porter le mouvement”.

Mais avec l’essor de ce nouveau mode de travail, nul doute que les communes vont s’y mettre petit à petit. Bientôt tous coworkers ?

Dossier : Manon Perrin