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Un défi audacieux pour une industrie historiquement gourmande en énergie

Depuis le 16 octobre dernier, l’industrie verrière française observe avec attention une avancée majeure dans la transition écologique : l’expérimentation d’un approvisionnement en biométhane local pour alimenter un site industriel. À Salaise-sur-Sanne, dans l’Isère, l’usine Eurofloat, spécialisée dans la fabrication de verre plat, a franchi une étape cruciale dans sa démarche de décarbonation. Ce projet, mené en partenariat avec des acteurs locaux, illustre une voie concrète pour réduire l’impact environnemental du secteur verrier, souvent pointé du doigt pour sa consommation énergétique et ses émissions de CO2.

Un défi audacieux pour une industrie historiquement gourmande en énergie

Le secteur du verre, notamment celui du verre flotté utilisé dans la construction, la décoration ou encore la vitrerie automobile, repose sur des procédés énergivores. La fusion du sable et autres composants nécessite des températures extrêmes, souvent atteintes grâce à des combustibles fossiles, notamment le gaz naturel. Face à cette réalité, Eurofloat a décidé de s’engager dans une démarche innovante : expérimenter l’utilisation de biométhane local, une source d’énergie renouvelable, pour alimenter ses fours industriels. Ce choix s’inscrit dans une volonté claire de réduire l’empreinte carbone de ses activités, tout en maintenant une production performante et compétitive.

Comment fonctionne cette approche expérimentale ?

Ce projet repose sur deux opérations majeures menées sur le site :

  • Injection de biométhane dans le réseau régional : fin août, grâce à une collaboration avec GRDF, principal distributeur de gaz en France, une station BioGNV a permis d’injecter du biométhane dans le réseau de distribution régional. Cette étape a permis de tester la compatibilité du gaz renouvelable avec l’infrastructure existante et d’assurer une livraison sécurisée à l’usine.
  • Livraison directe en camion citerne : à partir du 7 octobre, quatre camions-citernes transportant du biométhane ont été livrés à l’usine. Ces opérations, menées avec Methagora, expert en méthanisation agricole, ont permis de tester l’approvisionnement direct, même en l’absence de raccordement immédiat au réseau de gaz.

Ce double dispositif vise à garantir une flexibilité maximale dans l’approvisionnement en énergie renouvelable, tout en minimisant l’empreinte carbone liée au transport et à la production du gaz. La livraison par camion citerne constitue une solution pragmatique, adaptée à un contexte industriel où la continuité de la production est essentielle. Il s’agit également d’une démarche expérimentale, dont l’objectif est d’étudier la faisabilité à plus grande échelle.

Les enjeux et les bénéfices d’un tel dispositif

Ce projet expérimental ouvre la voie à plusieurs perspectives prometteuses pour l’industrie verrière. Tout d’abord, il permet de réduire significativement l’empreinte carbone de cette activité, en privilégiant une énergie renouvelable locale plutôt que des ressources fossiles importées ou produites à distance. En pratique, le biométhane affiche une empreinte carbone environ six fois inférieure à celle du gaz naturel traditionnel. Son utilisation contribue donc à diminuer les émissions de gaz à effet de serre, enjeu crucial face aux défis climatiques actuels.

Ensuite, cette démarche favorise la résilience énergétique des sites industriels. En diversifiant les sources d’approvisionnement en gaz, Eurofloat limite sa dépendance aux réseaux classiques, souvent vulnérables face aux crises ou aux fluctuations des prix. La possibilité d’approvisionnements par livraison directe en camion s’inscrit dans une logique d’autonomie locale, renforçant la stabilité et la sécurité d’approvisionnement.

Par ailleurs, cette initiative s’inscrit dans une politique de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). En valorisant les déchets agricoles locaux pour produire du biométhane, Eurofloat participe à une économie circulaire, créant des synergies avec les acteurs agricoles et de la méthanisation. La région Auvergne-Rhône-Alpes, riche en agriculture et en projets de transition énergétique, bénéficie également de cette dynamique.

Une démarche encore expérimentale mais pleine d’ambitions

Ce premier pas dans l’utilisation du biométhane local n’est pas une fin en soi, mais plutôt le début d’un processus d’innovation. Eurofloat et ses partenaires explorent différentes pistes pour pérenniser cette solution. Parmi celles-ci, l’augmentation du volume de biométhane livré, l’amélioration des logistiques de transport, ou encore l’intégration directe dans le processus de fabrication. La volonté est claire : faire du biométhane une composante durable de leur mix énergétique.

La société affirme continuer à tester et à ajuster ses pratiques, avec l’ambition de déployer cette solution à l’échelle de toute l’usine ou même de plusieurs sites. L’objectif ultime ? Conjuguer performance industrielle et responsabilité environnementale, tout en favorisant une économie locale et circulaire. La démarche s’inscrit dans une tendance plus large, celle de la décarbonation des industries lourdes, qui doit s’accélérer pour répondre aux enjeux climatiques.

Ce type d’initiative pourrait bien servir de modèle pour d’autres secteurs industriels, notamment ceux qui consomment énormément d’énergie. La clé réside dans la capacité à expérimenter, à s’adapter et à valoriser les ressources locales. La transition énergétique ne se limite pas à des grandes lois ou à des investissements massifs, mais aussi à des actions concrètes et pragmatiques, accessibles à toutes les entreprises prêtes à relever le défi.

En somme, la démarche d’Eurofloat témoigne qu’il est possible d’allier innovation, écologie et performance économique, à condition de faire preuve de créativité et d’audace. Le biométhane local, encore expérimental, pourrait bien devenir une pièce maîtresse de la stratégie énergétique de demain dans l’industrie verrière, si tous les acteurs jouent le jeu et investissent dans cette voie prometteuse.