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L’extension commerciale de la Part-Dieu : une menace pour la Presqu’île ? 
En s’ouvrant sur la ville, en accueillant des boutiques premium et en musclant son offre de restauration et de loisir, le centre commercial marque des points. Le centre-ville pourrait-il en pâtir ? Et comment peut-il réagir ?

Part-Dieu qui rit, Presqu’île qui pleure ?

Le centre-ville n’est pas complètement à la fête.  Clément Chevalier, qui dirige Tendance Presqu’île, l’association fédérant les commerçants, rumine : la crise sanitaire, bien sûr, mais aussi les manifestations contre le passe sanitaire, les retraites, les Gilets jaunes, aimantés par Bellecour. “On a eu des gaz lacrymo et un hélicoptère pratiquement chaque week-end”, rappelle-t-il. Il y a aussi parfois les rodéos et concerts de klaxon. Et les tentes de SDF devant le Printemps et le passage de l’Argue…

Par contraste, le centre commercial du 3e arrondissement fait peau neuve. Une mue spectaculaire : façade rajeunie, nouvelle entrée sur la ville, extension de 32 000 m2 de la surface de vente avec notamment 40 nouvelles boutiques. Et bien sûr cette nouvelle offre de loisir au sommet avec 25 brasseries, un food court, un cinéma de 18 salles tout récemment ouvert, une salle d’escalade et un toit désormais accessible et (un peu) végétalisé. Le propriétaire, Unibail-Rodamco-Westfield, vise 40 millions de visiteurs dès 2024. De quoi donner le coup de grâce à la Presqu’île ?

Reprenons les arguments un par un. La montée en gamme avec des boutiques plus qualitatives. “Ils ont réussi à attirer les enseignes tendance du moment comme Victoria’s Secret, Dyson, Abercrombie, Hollister”, applaudit Cédric Ducarrouge, directeur de l’agence retail de JLL France. L’arrivée d’Uniqlo est un joli coup (le débarquement du Nippon en Presqu’île avait été célébré comme un succès personnel de Gérard Collomb à l’occasion d’un voyage au pays du Soleil-Levant). “La Part-Dieu envoie un message très clair de vouloir être leader sur ce créneau de la mode”, décrypte l’expert. De là à viser un positionnement haut de gamme ? Une impulsion est donnée avec l’arrivée du groupe SMCP – Sandro, Maje, Claudie Pierlot et De Fursac.

Le temple du mass market va-t-il changer d’image ?

“Il s’agit de quelques enseignes, il n’est pas sûr que cela suffise à atteindre la taille critique”, relativise Cédric Duccarouge, qui estime que le carré d’or lyonnais n’est pas menacé. “Ce sera difficile pour la Part-Dieu de nous concurrencer sur le luxe”, confirme, sans ciller, Clément Chevalier.

Deuxième nouveauté, l’ouverture du complexe sur le centre de Lyon, avec l’entrée au pied du Crayon. Les portes donnent directement accès au mail premium où sont massées des enseignes plus haut de gamme. De quoi attirer les bourses argentées des 3e et 6e arrondissements ? Pas pour Cédric Duccarouge. “On parle plus d’une porosité vers l’ouest de la Part-Dieu. Ce n’est pas la porte de la Lanterne qui va capter une clientèle de centre-ville. C’est encore trop loin.” Et d’embrayer : “Le grand succès, c’est la réalisation de ce toit qui regroupe un gros cinéma et une offre complète de restauration.” Cela comble un gros déficit du centre commercial, où il était difficile de bien manger. “L’ambition est de prendre de la clientèle au centre-ville par une offre plus large, de la beauté au sport en passant par le loisir”, décrypte Pascal Larue, consultant retail associé chez Thomas Broquet Conseil. “La taille n’est pas suffisante pour concurrencer le centre-ville”, juge toutefois Cédric Duccarouge. D’un côté, selon son décompte, 25 brasseries, de l’autre 349 restaurants. L’offre répondra d’abord à une demande locale de salariés travaillant dans le quartier d’affaires, pour le déjeuner et l’afterwork.

Vers la piétonisation ?

Défiée, la Presqu’île ne manque pas d’atouts pour résister. L’extension de la Part-Dieu (32 000 m2) ne fait finalement que répondre à l’ouverture récente de Grôlée-Carnot et du Grand Hôtel-Dieu. “On avait souhaité assurer le même équilibre entre ces deux grands pôles régionaux”, souligne l’ex-adjointe au Commerce Fouziya Bouzerda. Si, de l’avis de plusieurs spécialistes, l’Hôtel-Dieu est à la peine sur la partie commerce (selon Pascal Larue, il a une carte à jouer autour de l’équipement de la maison, avec Silvera, Habitat et AMPM), Grôlée fonctionne plutôt pas mal.

Autre force de la Presqu’île : ses loyers. Évidemment, la rue de la Ré est toujours hors de prix, mais d’autres axes sont plus abordables, souligne Pascal Larue, notamment les rues Édouard-Herriot (600 à 2 000 €/m2/an), Émile-Zola (700 à 800 €/m2/an) ou de Brest (400 à 600 €/m2/an). C’est moins que la Part-Dieu, où les valeurs locatives fluctuent, selon l’étage et l’emplacement, jusqu’à 3 000 €/m2/an. Étant relativement plus abordable, le centre-ville pourrait être propice à l’irruption de concepts novateurs indépendants.  C’est clairement l’attente de Clément Chevalier. Cédric Ducarrouge pense que la Presqu’île pourrait surfer sur l’époque, privilégiant les circuits courts, l’économie sociale et solidaire ou les nouvelles mobilités (vélos, trottinettes, voire showrooms de petites voitures électriques).

Enfin, le coeur de Lyon peut jouer la carte du cadre de vie. La crise sanitaire a contraint le centre de la Part-Dieu, soumis à plus de restrictions, à fermer plus longtemps. Il va continuer à pâtir d’être un endroit clos, a priori plus favorable à la circulation du virus, contrairement aux rues aérées du centre-ville. La Presqu’île peut aussi mettre en avant son patrimoine exceptionnel et la qualité de ses espaces publics. À condition de régler le problème des mésusages…

Le salut ne viendrait-il pas de la piétonnisation ?

Voici qui pourrait contribuer à une réduction des conflits entre piétons, vélos, trottinettes et voitures, et à un abaissement du bruit automobile. Le projet est poussé par la municipalité et par l’exécutif  métropolitain. “La piétonnisation aurait un effet positif”, assure Pascal Larue. “C’est dans l’air du temps, cela peut améliorer le cadre de vie, d’autant plus s’il y a de la végétalisation”, reconnaît Clément Chevalier.

 


 

Edition Octobre 2021
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