Incertitude politique : comment le climat instable freine l’économie et les investissements en France
Les récentes turbulences politiques en France, marquées par la dissolution, l’absence de majorité claire à l’Assemblée nationale et les changements à la tête du gouvernement, ont un impact tangible sur le comportement des entreprises. Entre report d’investissements, ralentissement de l’embauche et hésitations face à l’avenir, l’instabilité politique ne se limite pas à la sphère institutionnelle : elle affecte directement la santé économique du pays.
Une inquiétude grandissante chez les chefs d’entreprise : la peur de l’incertitude
Depuis l’été 2024, les dirigeants français expriment une inquiétude croissante face à la situation politique. Lors d’un premier sondage réalisé peu après la dissolution, 51 % des chefs d’entreprises se déclarent « très inquiets » de l’instabilité. Cette tension ne cessera d’augmenter, atteignant 61 % en novembre 2024, lors de l’adoption de la Loi de finances (ou Lolf). La chute du Premier ministre Michel Barnier en avril 2025, a accentué cette inquiétude, avec un pic à 67 % dans le groupe des entrepreneurs les plus préoccupés.
Ce changement d’humeur n’est pas anodin. Lorsqu’on leur demande si leur perception de l’incertitude a évolué après l’annonce du vote de confiance, la réponse est claire : 57 % des chefs d’entreprise interrogés avant le vote se disaient « très inquiets », contre 67 % après. La peur de l’inconnu, de voir leur environnement réglementaire ou fiscal chamboulé, pousse une majorité de dirigeants à temporiser leurs décisions stratégiques.
Investir ou ne pas investir : la grande hésitation
Ce climat d’incertitude impacte directement leur capacité à engager des projets d’envergure. Selon une étude menée en août 2025 par Rexecode, 23 % des entrepreneurs envisagent d’annuler leurs investissements, tandis que 43 % préfèrent les reporter à une période plus stable. Ces chiffres montrent que, face à un contexte politique instable, le pari sur l’avenir devient risqué, voire insensé pour beaucoup.
Concrètement, cela signifie que moins d’entreprises envisagent d’accroître leurs capacités de production ou de renouveler leur matériel. La crainte d’un contexte économique incertain freine toute démarche de croissance, pourtant essentielle à leur développement. La plupart privilégient la préservation de leurs ressources plutôt que la prise de risques, ce qui peut à long terme freiner la compétitivité du tissu industriel français.
Ce phénomène se vérifie également dans le secteur de l’emploi. La capacité d’embauche est directement liée à la prévision de chiffre d’affaires. Lorsqu’un chef d’entreprise doute de sa stabilité financière, il hésite à engager de nouveaux salariés. Or, le passage de 3 à 4 employés représente une augmentation de 20 % de la masse salariale, un saut stratégique que peu d’entreprises sont prêtes à faire en période d’incertitude.
La stabilité politique, un levier clé pour l’investissement et l’emploi
Il est évident que la stabilité politique constitue un facteur déterminant dans la planification à moyen et long terme des entreprises. Plus la visibilité est assurée, plus la confiance est renforcée. La crainte d’un changement soudain de législation ou d’une nouvelle crise politique pousse à une prudence accrue, voire à une paralysie des projets.
Pour illustrer cette réalité, la perception des entrepreneurs face à leurs projets d’investissement est claire : lorsqu’ils ont une vision claire de leur environnement réglementaire, ils sont plus enclins à engager des dépenses en R&D, à renouveler leurs équipements ou à investir dans des démarches durables. À l’inverse, l’incertitude freine ces initiatives, ce qui limite la croissance de leur entreprise et, par extension, celle de l’économie nationale.
Les investissements impactés : où va la prudence des entrepreneurs ?
Les secteurs d’investissement en France sont soumis à des dynamiques différentes, mais tous ressentent le poids de l’instabilité politique. Au Lab de la BPI, l’analyse des tendances d’investissement révèle que :
| Type d’investissement | Impact observé |
|---|---|
| Extension des capacités de production | Faible activité due à la demande molle et à la prudence générale |
| Renouvellement du matériel | Maintenu, car indispensable pour la compétitivité |
| Innovation | fortement délaissée, car considérée comme trop risquée en période d’incertitude |
| Investissements environnementaux | Moins impactés, mais leur développement dépend aussi de facteurs extérieurs comme la hausse des coûts énergétiques |
Le secteur de l’innovation apparaît comme le plus touché par la prudence des dirigeants. En période de crise, la volonté de préserver les marges et d’éviter les risques prend le pas sur la recherche de rupture technologique. Quant aux investissements environnementaux, ils restent, pour l’instant, relativement stables, en partie parce qu’ils s’inscrivent dans une logique de durabilité à long terme.
Les banques, un soutien encore présent, mais pas totalement rassuré
Face à cette ambiance de prudence, le secteur bancaire continue à jouer son rôle en proposant des financements à des taux historiquement bas. Selon l’enquête, seuls 10 % des entrepreneurs rencontrent des difficultés pour obtenir un crédit d’investissement, et 14 % pour le crédit de trésorerie. La majorité des chefs d’entreprises est donc encore rassurée par la liquidité du marché du crédit.
Ce qui ne veut pas dire qu’ils demandent massivement des prêts. La majorité préfère attendre des signaux plus clairs pour engager des dépenses importantes. La faiblesse des demandes de crédits limite en partie la tension sur le marché bancaire, ce qui pourrait changer si l’incertitude politique perdurait ou s’intensifiait.
Le coût économique de l’instabilité politique pour la France
Selon l’OFCE, l’incertitude politique pourrait coûter jusqu’à 15 milliards d’euros au PIB français, soit 0,5 point de croissance en année pleine. Sur le plan fiscal, cela représente environ 7 milliards d’euros de recettes en moins, ce qui alourdit le déficit et réduit la capacité du pays à investir dans sa relance.
Ce recul du PIB se traduit également par une baisse du pouvoir d’achat, une réduction des investissements et un frein à l’innovation. La dégradation de la situation économique limite la compétitivité de la France sur la scène internationale, tout en creusant les inégalités sociales.
Les secteurs clés sous tension : où se concentre la prudence ?
Les investissements en matériel, en capacité de production, mais surtout en innovation, sont ceux qui souffrent le plus de l’incertitude. Le secteur industriel, notamment, voit ses taux d’utilisation historiquement faibles, signe d’une demande en berne. La baisse d’investissement dans la recherche et le développement compromet la capacité du pays à innover face à la concurrence internationale.
Les investissements liés à la transition écologique, eux aussi, sont ralentis, mais pour d’autres raisons : coût élevé, complexité du changement, absence de stabilité réglementaire. Pourtant, ces investissements sont essentiels pour répondre aux enjeux environnementaux et énergétiques.
En définitive, l’instabilité politique a un effet domino : moins d’investissements, moins d’emplois, un ralentissement économique et une fragilisation du pouvoir d’achat. La question reste posée : comment restaurer la confiance pour relancer la dynamique économique ?
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