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L’industrie a de l’avenir en France : les idées fortes du Pdg de Seb, Thierry de la Tour d’Artaise

L’industrie n’a-t-elle aucun avenir en France et en Europe, la Chine va-t-elle définitivement devenir l’usine du monde ? Non, assure Thierry de la Tour d’Artaise, Pdg de Seb, dont le siège est basé à Lyon-Ecully. Pour preuve, il est le seul à fabriquer ses fers à repasser en Europe, tandis que 90 % de sa Recherche est basée en France. Encore convient-il, explique-t-il, de respecter un certain nombre d’idées fortes, à commencer par la nécessité d’un actionnariat qui accepte de jouer la carte du long terme, d’investir fortement dans l’innovation et de jouer à la fois la carte mondiale et locale…

Retombée des Etats-Généraux de l’Industrie organisés l’année dernière, la première « Semaine de l’Industrie » a représenté, du 4 au 10 avril, l’occasion de redorer le blason d’une activité économique jugée il y a peu encore, comme ringarde. On avait oublié que sans industrie, il n’y a peu ou pas de services, sachant qu’un emploi industriel suscite trois à quatre emplois indirects. L’industrie représente encore en Rhône-Alpes, première région industrielle française, pas moins de 460 000 emplois directs et près de 700 000 emplois si l’on y ajoute l’intérim et le commerce de gros.

A l’occasion des premières « Rencontres de la CCIR Rhône-Alpes », Jean-Paul Mauduy, président de la Chambre régionale avait invité le Pdg de Seb, Thierry de la Tour d’Artaise à s’exprimer. Un décideur qui constitue l’exemple vivant que l’on peut encore développer en France et en Rhône-Alpes, une solide base industrielle.

Mais dans notre économie très compétitive, sans frontière, un certain nombre de conditions sont nécessaires pour réussir ce challenge industriel. Depuis onze ans à la tête de cette entreprise spécialisée dans le petit électro-ménager et basée à Lyon-Ecully, Thierry de la Tour d’Artaise a su démontrer que c’était possible. En s’appuyant sur trois idées fortes.

« Nous sommes le dernier des Mohicans en Europe, puisque nous sommes les seuls désormais à y fabriquer des fers à repasser », s’exclame le Pdg. Et effectivement, l’usine Seb (marque Calor) de Pont-Evêque près de Vienne (Isère) produit chaque année près de 10 millions de fers à repasser.

L’explication : le bon usage de ce qu’il surnomme « l’effet sablier ». La montée en puissance des pays émergents, l’Europe de l’Est d’abord, puis la Chine et l’Inde, ensuite, ont amené le marché du petit électroménager, à changer totalement de structure. Le haut de gamme continue à croître et de se développer, le bas de gamme aussi, mais le milieu de gamme, le cœur, tend, lui, à se rétrécir.

Pas de doute pour le Pdg de Seb : il n’est plus possible, vu les prix qui se sont effondrés, de fabriquer du bas de gamme en Europe. « Mais on ne peut pas l’abandonner, on se priverait alors d’une bonne partie de sa clientèle. »

En revanche, ajoute-t-il « Nous bénéficions d’une autre partie de notre clientèle, très impliquée qui est capable d’acheter des produits très chers, une cafetière à 150 euros, par exemple, à condition qu’elle présente une vraie innovation. »

Pour le patron de Seb, il est indispensable pour s’en sortir de passer par une forte innovation qui procède d’une R&D importante. « Notre Recherche est à 90 % en France, mais les développements devant être adaptés à chaque pays, se font sur place. » Et d’ajouter : « Je ne crois pas à la délocalisation totale. Il est illusoire de dire : on va tout fabriquer en Europe, mais on y peut conserver les fabrications à valeur ajoutée. »

Et de donner l’exemple de son produit phare : la friteuse sans huile (s’il s’agit de frites congelées) ou ne demandant qu’une cuillère de matière grasse, s’il s’agit de pommes de terre fraîches. La friteuse de base se vend 50 euros, la friteuse sans huile… près de 200 euros, mais elle s’arrache : elle est fabriquée à Is-sur-Tille, en Bourgogne.

Première idée forte donc : « Nous bénéficions d’un champ de développement immense pour peu que l’on innove. La seule limite est notre imagination ! »

La seconde idée forte de Thierry de la Tour d’Artaise concerne la mondialisation : « Il faut être mondial et local. Cela signifie qu’il faut produire, au Brésil pour les Brésiliens et en Chine pour les Chinois. C’est la seule solution pour produire ce que réclament ces marchés.»

C’est ainsi que Seb a racheté à l’issue d’un marathon infernal, long de 18 mois, le fabriquant chinois Supor. Ce qui a aussitôt eu aussitôt pour conséquence… de faire chuter le cours de Bourse de l’action Seb.

Et c’est là qu’intervient la troisième idée forte du Pdg, sous la forme d’un atout paradoxal : il est indispensable de bénéficier d’un actionnaire qui croit bien sûr à l’industrie, mais qui joue aussi la carte du long terme.

Seb est cotée en Bourse, mais ce sont les 250 descendants du créateur de Seb, Antoine Lescure, qui possèdent la majorité des droits de vote. « Pour nous, c’est une grande chance. Nos actionnaires familiaux ont une vision de long terme et savaient que si le rachat du Chinois Supor n’était pas immédiatement créateur de valeur, il était bon pour l’avenir de l’entreprise », assène Thierry de la Tour d’Artaise. On est loin là du capitalisme financier et des retours d’investissement ultra rapides.

Cela signifie que le développement de l’industrie a pour corollaire une économie véritablement entrepreneuriale où l’actionnariat, notamment familial, joue un rôle important.

Et Thierry de la Tour d’Artaise, d’asséner en guise de conclusion : « Nous pensons qu’à l’inverse de certains esprits chagrins, nous sommes sur un métier fortement d’avenir. » Et de scander en concluant son intervention : « L’industrie doit conserver une place vitale dans notre pays ! »

Photo (DL) : Thierry de la Tour d’Artaise, Pdg de Seb : « L’industrie est un métier d’avenir ! »