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A t-on le droit de séquestrer son dirigeant ?

La séquestration d’un dirigeant ou cadre de l’entreprise, fût-ce à l’occasion d’une grève, est une faute lourde qui justifie le licenciement du salarié ayant personnellement participé à cette action.

La grève n’abolit pas les règles du code du travail

Plusieurs conflits sociaux très médiatisés ces dernières années ont pu donner l’impression qu’en cas de grève toutes des règles du code du travail voire du code pénal sont provisoirement abolies et que pouvaient ponctuellement surgir dans notre république des zones de non-droit.

Dans un arrêt du 2 juillet 2014, la Cour de Cassation vient de confirmer une jurisprudence classique confirmant heureusement qu’il n’en est rien.

Dans cette affaire, un salarié avait participé à une action collective au cours de laquelle le DRH de l’entreprise avait été retenu dans son bureau de 11h45 à 15h30; il n’avait pu en sortir qu’après intervention des forces de l’ordre.

Le simple fait de participer peut constituer une faute lourde

Pour la Cour de Cassation, le simple fait que le salarié ait participé à cette action suffit à constituer la faute lourde. C’est le niveau de faute le plus grave puisque le salarié ne touche aucune indemnité à l’occasion de ce licenciement: pas d’indemnité de préavis, pas d’indemnité de licenciement, par de paiement du soldes de congés payés etc…
Par contre, contrairement à une idée largement répandue, le salarié licencié aura droit aux allocations chômage de Pôle-Emploi.

Profitons de cette jurisprudence pour rappeler que la grève est bien cadrée par le code du travail.

La grève doit réunir 3 conditions pour être valable

  1. un arrêt total du travail : la grève perlée, qui consiste à faire exprès de travailler lentement, ou la mauvaise exécution volontaire de son travail, sont fautives.
    Par contre, les salariés ont le droit de faire grève quelques heures, ou par roulement, à condition que les modalités choisies n’aient pas pour effet une désorganisation totale et disproportionnée de l’entreprise.
  2. une concertation des salariés, donc une volonté commune : un salarié ne peut pas faire grève tout seul, il faut être au moins 2.
  3. des revendications professionnelles : amélioration des conditions de travail ou du salaire par exemple.

A contrario, cela signifie que les salariés ne peuvent pas faire grève dans leur entreprise contre la hausse des impôts, ou le mariage pour tous, ou la fermeture de l’école de leur village, car ce ne sont pas des revendications professionnelles.

Si ces 3 conditions sont réunies, le mouvement est licite.

Mais, même dans ce cas, les modalités d’exercice de la grève restent cadrées par le code du travail et la jurisprudence, le contentieux se situant plus souvent sur le terrain des modalités de la grève que de sa licéité.

En effet, la grève licite a uniquement pour effet de suspendre 2 des obligations réciproques du salarié et de l’employeur : travailler d’un côté, payer le salaire de l’autre.

Le salarié gréviste doit donc se retirer totalement de son poste de travail et laisser les non-grévistes travailler normalement, l’employeur ayant toute liberté d’organiser au mieux le travail avec les salariés présents pour assurer la production… sans toutefois avoir le droit recruter des intérimaires ou CDD pour remplacer les grévistes !

La grève ne permet donc aucunement au salarié:

  • d’enfreindre la liberté du travail, en empêchant les non-grévistes de travailler ou en bloquant /filtrant l’accès à l’usine;
  • de commettre des délits: dégradations, violences, vols de matériels…
  • d’utiliser le matériel de l’entreprise à d’autres fins que celles pour lesquelles il leur a été confié. Concrètement, un chauffeur de camion en grève doit descendre du camion, il ne peut pas utiliser son véhicule pour bloquer une route ou un chantier.

Ces actes peuvent conduire non seulement au licenciement de leur auteur, mais également à d’éventuelles sanctions pénales.

Ajoutons enfin que l’entreprise comme les salariés non-grévistes peuvent demander des dommages et intérêts aux grévistes et aux syndicats qui auraient commis des actes répréhensibles.

La grève est donc mieux cadrée en France, afin de concilier droit de grève, liberté du travail et respecte code pénal, que ce qui ressort de quelques cas d’actualité très chauds