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Un plan d’ajustement à la hâte : pourquoi cette décision ?

Les annonces se succèdent chez Soitec, ce géant français des semi-conducteurs qui, malgré ses succès passés, doit aujourd’hui faire face à une période de turbulences. La mise en place prochaine de mesures de chômage partiel sur son site de Bernin, qui emploie près de 1 800 collaborateurs, en est une illustration concrète. Une décision qui s’inscrit dans un contexte complexe, marqué par des défis internes et externes, et qui soulève de nombreuses interrogations sur l’avenir de l’entreprise.

Un plan d’ajustement à la hâte : pourquoi cette décision ?

Selon la CGT, la direction prévoit d’instaurer une période de chômage partiel à partir de la mi-novembre 2025, pour une durée de six mois. La réduction du temps de travail serait variable, allant d’une à quatre semaines sur cette période, en fonction des services. La direction se réserve toutefois la possibilité d’ajuster cette durée, pouvant atteindre jusqu’à 30 % du temps de travail, soit environ huit semaines d’activité suspendue.

Ce type de mesure n’est pas anodin. Il traduit une volonté de l’entreprise de faire face à une conjoncture difficile, tout en évitant d’avoir à procéder à des licenciements massifs. Mais quelles en sont réellement les raisons ? La direction n’a pas souhaité s’exprimer publiquement, laissant la place à la CGT pour analyser les causes.

Les causes internes et externes d’une crise imminente

Les facteurs évoqués par la CGT sont multiples et touchent autant le marché que la stratégie interne de Soitec. La crise du secteur des semi-conducteurs, exacerbée par la pénurie de composants, a bouleversé la dynamique commerciale. La société, comme d’autres acteurs, s’attendait à une croissance annuelle de 10 à 15 %. Mais la réalité a été tout autre, notamment à cause de la gestion des stocks des clients, qui ont préféré accumuler des réserves plutôt que de renouveler leurs commandes rapidement.

Une autre problématique soulignée concerne l’impact du taux de change. La dépréciation du dollar face à l’euro, qui représente une part importante des ventes, a généré une perte estimée à 10 %. La société vend ses produits en dollars, mais doit acheter ses équipements en euros, ce qui complique la rentabilité. La volatilité des monnaies, combinée à une inflation mondiale, fragilise le modèle économique de Soitec.

De plus, la concurrence chinoise joue un rôle déterminant dans cette crise. La construction de nouvelles lignes de production en Chine, largement subventionnées par l’État, permet à cette dernière de proposer des produits en carbure de silicium à des prix défiant toute concurrence. La société française, qui propose un produit de haute qualité avec un bilan carbone intéressant, peine à s’imposer face à cette offre à bas coût. La gamme de produits destinés à l’électronique de puissance, notamment pour les véhicules électriques, n’a pas rencontré le succès escompté, ce qui met en péril la stratégie de diversification de Soitec.

Les enjeux internes et la prudence de la CGT

Sur le plan interne, la CGT dénonce des dérives qui ont fragilisé la santé financière de l’entreprise. La critique porte sur la stratégie commerciale, qui aurait consisté à réaliser des chiffres d’affaires artificiellement gonflés par des ventes poussées, des délais de paiement favorables aux clients, et une baisse des prix qui a creusé la marge bénéficiaire. Ces pratiques, selon la CGT, ont créé une illusion de croissance, mais ont également rendu la société vulnérable face à la conjoncture actuelle.

Autre point de friction : le recrutement massif effectué ces trois dernières années. Environ 500 nouveaux collaborateurs ont été embauchés, ce qui a fortement augmenté les coûts fixes. Face à une demande qui s’amenuise, cette stratégie d’expansion rapide devient un facteur de fragilité supplémentaire. La CGT insiste donc pour que la société s’engage à maintenir tous les emplois, afin d’éviter une vague de licenciements qui pourrait déstabiliser encore davantage la société.

Les garanties demandées par la CGT pour sécuriser l’avenir

Avant d’accepter la mise en œuvre de ces mesures d’activité partielle, la CGT exige des garanties précises de la direction. Parmi celles-ci :

  • Le maintien de l’ensemble des emplois sur le site de Bernin, pour préserver l’effectif.
  • Une augmentation du taux de rémunération durant le chômage partiel, fixé à 90 % net, au lieu du minimum légal de 84 %, afin d’atténuer l’impact sur les salariés.
  • Le maintien du variable dans la rémunération, pour éviter toute baisse de revenu liée à la réduction du temps de travail.
  • Que le taux maximum de chômage partiel soit appliqué aux salaires des dirigeants, pour une cohérence dans la gestion des coûts.

La CGT souligne que cette période, qui s’étendra sur 18 mois, ne sera pas une simple période de ralentissement, mais une étape progressive vers une relance qui nécessite de la part des dirigeants une gestion responsable. La société doit faire preuve de transparence et de solidarité pour traverser cette crise sans trop de dégâts.

Ce contexte montre que Soitec n’est pas seul face à ses difficultés. La conjoncture mondiale, la compétition féroce et la gestion interne sont autant d’éléments qui pèsent lourd dans la balance. La capacité de l’entreprise à ajuster ses stratégies et à rassurer ses salariés sera déterminante pour la suite du parcours.