640 millions d’euros envolés dans le Rhône ! La lutte contre la fraude aux services sociaux toujours pas à la hauteur des enjeux
Il y a des jours où l’actualité se plaît à jeter un regard cru sur un pan caché et peu reluisant de notre société.
Le jour même où le Codaf, l’organisme qui au niveau du département du Rhône est chargé de mutualiser la lutte contre la fraude aux services sociaux organisait une conférence de presse prévue de longue date, la Cour des Comptes lançait un brulot, expliquant que ladite fraude coûtait aux Français de 20 à 25 milliards d’euros, soit près de 1% du Produit Intérieur Brut ! Beaucoup plus en fait que les estimations habituelles.
De facto, les fonctionnaires chargés de présenter le résultat des travaux du Codaf ne pouvaient que ramer face à ces chiffres.
Petit calcul d’abord. La fraude estimée par la Cour des Comptes représente donc près de 1 % du PIB. Or si l’on sait que le PIB du département du Rhône est de 64 milliards d’euros (chiffre 2011), ce petit pourcentage de 1 % représenterait donc la somme assez faramineuse de 640 millions d’euros. A minima !
24 millions d’euros de fraude détectés en 2012 dans le Rhône
Or, en face, qu’avaient à présenter les différents fonctionnaires, membres du Codaf : un montant de redressements récupérés par tous les organismes sociaux de seulement 24 millions d’euros. Loin, très loin donc des sommes qu’il aurait fallu recouvrer pour combler le préjudice.
Et pourtant, ces fonctionnaires étaient tout fiers d’annoncer une importante hausse des recouvrements en 2012, derniers chiffres connus : + 36,6 %, soit 15 millions d’euros de plus qu’en 2011. A noter cependant qu’à cette date, les recouvrements suite à des fraudes à la MSA et à Pôle Emploi n’étaient pas encore comptabilisés dans ces chiffres. Malgré tout, une goutte d’eau.
Pourquoi ? Parce que pendant longtemps l’Etat et les organismes sociaux ont fait preuve d’angélisme : les effectifs dans chacun d’entre eux dédiés à la lutte contre la fraude étaient ridiculement bas. Une seule personne ainsi pendant longtemps à la CPAM du Rhône. La prise de conscience est récente : désormais ce sont douze personnes qui luttent contre la fraude au sein de cette même CPAM du Rhône et traquent les fraudeurs.
Le tournant a en fait été pris en 2010 quand l’Etat s’est enfin rendu compte de l’ampleur du phénomène et a créé le Codaf (Comité Opérationnel Départemental Anti-Fraude) qui a permis aux différents organismes sociaux de travailler main dans la main, entre eux, avec la police et avec le parquet. Le problème était enfin pris en compte, mais quand on part de zéro, on ne peut tout de suite atteindre le ciel.
Le chauffeur de taxi avait détourné 400 000 euros à la CPAM
Décidément la providence a voulu braquer les projecteurs sur ce phénomène car ce même jour où le Codaf présentait son bilan anti-fraude, l’on apprenait qu’un chauffeur de taxi de 33 ans agréé auprès de la CPAM avait été interpellé lundi et placé en garde à vue à Lyon pour avoir escroqué pendant près de cinq ans, 400 000 euros, à plusieurs caisses d’assurance-maladie de la région, en surfacturant des déplacements.
Par exemple, lorsqu’il allait chercher un patient, il arrivait bien en avance au rendez-vous et mettait le compteur à tourner aussitôt.
En plus, il avait, entre juin 2010 et mai 2012, contacté deux autres chauffeurs de taxi pour utiliser leurs noms et établir d’autres factures.
« Il a fait croire aux deux autres chauffeurs à une panne de logiciel, en leur disant qu’il n’arrivait pas à facturer et leur demandait de le faire à sa place, puis il empochait la contrepartie versée par la CPAM. Il pouvait être à plusieurs endroits à la fois et plusieurs courses pouvaient lui être payées en même temps! », a relaté à l’AFP une source policière.
Intriguées par ces factures, les CPAM concernées ont fini par alerter les autorités, entraînant l’ouverture d’une enquête de la brigade financière de la Sûreté départementale de Lyon.
Le chauffeur de taxi utilisait cet argent en « flambant » au casino, a précisé la même source. Il comparaîtra devant un officier de police judiciaire en juin 2015.
Un exemple, malheureusement parmi beaucoup d’autres…