Le déclin d’Euronews qui licencie la moitié de ses effectifs : la grosse responsabilité des télévisions publiques européennes
On l’a oublié aujourd’hui, mais Euronews trouve son origine, au sein de l’UER (Union Européenne de Radio-Télévision), organisme rassemblant les grandes chaînes publiques européennes de télévision, de France Télévision à la ZDF allemandes, en passant par la BBC.
Cette chaîne basée sur les bords de Saône à Lyon est très précisément née en 1993, à l’initiative de dix groupes audiovisuels publics européens, membres de l’UER, pour concurrencer alors expressément l’américaine CNN International.
L’idée semblait pertinente : il s’agissait alors de récupérer et de traduire les meilleurs reportages de ces grandes chaînes publiques pour créer cette CNN européenne, la 1ère grande chaîne reflétant tout un continent et transportant son image au-delà des frontières de l’Europe.
Sur le papier, l’idée semblait bonne, surtout qu’elle ne nécessitait pas de coût importants, limitant au maximum la création d’équipes de reportage se déplaçant dans toute l’Europe.
Une bonne idée qui s’est trouvée confrontée notamment à la création des chaines d’infos en continu qui n‘existaient pas à l’époque.
Au bilan, vu la réussite relative du concept, lesdites télévisions publiques européennes qui étaient majoritaires au capital au début de la création d’Euronews se sont petit à petit désengagées, ne représentant aujourd’hui que 12 % du capital de la chaîne.
Ces acteurs publics ont peu à peu abandonné Euronews qui bénéficiait en 2013 de 42 millions d’euros, une somme tombée à 20 millions en 2023, pour descendre à 13 millions annoncés pour 2024, selon une source interrogée par le journal Le Monde.
Un poids insuffisant pour peser sur son évolution, d’autant que corollaire : pour survivre, Euronews, concept donc public au départ, s’est privatisé, passant dans les mains du magnat des télécom égyptiens, puis plus récemment dans ceux du fonds d’investissement portugais Alpac Capital détenteur actuellement de 88 % du capital.
Certes la guerre en Ukraine et l’arrêt de la diffusion d’Euronews en Russie n’a rien arrangé, mais les chiffres sont là : au cours de ses trente années d’existence, Euronews n’a été à l’équilibre qu’une petite dizaine d’années.
Ce n’est plus depuis longtemps le cas : au cours des dix dernières années, la chaîne européenne a cumulé 150 millions d’euros de pertes.
D’où l’annonce de la vente de son siège emblématique vert pomme de la Confluence à Lyon pour renflouer les comptes.
De mal en pis : d’autres mauvaises nouvelles sont tombées en cascade lors de la réunion extraordinaire du Comité social et économique d’Euronews qui a eu lieu le 2 mars dernier et ont fini par assommer les salariés qui s’attendaient bien à un plan de rigueur, mais pas aussi violent.
Le syndicat des journalistes SNJ a aussitôt dénoncé une « suppression massive de postes et un démantèlement de la chaîne ».
Il est en effet question de supprimer près de la moitié des effectifs constitués de 480 salariés (800 en 2016).
Exit Lyon ? Le direction prévoit de surcroît l’ouverture d’une rédaction centrale à Bruxelles, ainsi que des bureaux détachés : à Lisbonne, Rome, Berlin, Madrid et Londres : il s’agirait de renvoyer les journalistes de cette chaîne aux trente nationalités, dans leur pays d’origine.
Il ne resterait donc à Lyon que les journalistes de nationalités françaises-, soit près de 140 personnes qui resteraient au sein de la capitale des Gaules.
Bref, l’enthousiasmant modèle d’origine a totalement éclaté et on peut se poser la question de savoir si ce n’est pas le début de la fin, à terme, pour une chaîne qui avait de si belles ambitions. Et qui permettait à Lyon de s’inscrire sur la carte des villes européennes accueillant de grands médias…