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Le Musée des Tissus de Lyon sauvé aux forceps par Laurent Wauquiez

« Je regrette très amèrement que sur un sujet patrimonial aussi emblématique pour Lyon, capitale mondiale de la soie, qu’un consensus n’ait pu être trouvé… »

Tel était l’état d’esprit d’Emmanuel Imberton, président de la CCI de Lyon, propriétaire du Musée, vendredi 6 octobre à l’issue de l’ultime réunion du comité de pilotage qui s’était soldée par un échec sur toute la ligne.

La veille, la conférence de presse organisée par David Kimelfeld, président de la Métropole et Georges Képénékian, maire de Lyon l’avait ulcéré. Il n’avait été ni prévenu, ni convié.

Et les deux successeurs de Gérard Collomb, on imagine avec l’aval total de ce dernier, avaient proposé rien de moins, que de démanteler le musée. En suggérant à la CCI de vendre un des deux bâtiments, et de disperser le musée des Tissus dans le bâtiment restant, mais aussi au musée des Confluences et au musée des Beaux-Arts, des structures appartenant à la Ville. Une manière de faire semblant de s’intéresser au dossier, mais qui ne pouvait avoir l’aval d’Emmanuel Imberton et de son équipe.

Furieux, pressé de se débarrasser de ce boulet pour les finances en berne de la CCI, Emmanuel Imberton s’était donné le week-end pour trancher.

Le téléphone a beaucoup chauffé

Un week-end au cours duquel, le téléphone a beaucoup chauffé. Offrant un espace dans lequel le président de la Région, Laurent Wauquiez qui avait déjà fait des avances financières, s’est engouffré. Politiquement habile. Il apparaît comme le sauveur du Musée des Tissus.

Quel est donc la solution qui va permettre de sauver enfin ce musée ?

La Région va récupérer les deux bâtiments du Musée dans le 2ème arrondissement de Lyon et du parc Lacroix-Laval ; et ce, pour un euro symbolique : l’ensemble est estimé à 16 millions d’euros qui ne tomberont pas dans l’escarcelle de la CCI.

C’est la région qui devenant propriétaire des lieux engagera les travaux de rénovation. Un GIP (Groupement d’Intérêt Public) dont la Région sera chef de file sera créé.

Emmanuel Imberton évoque également la possibilité d’ajouter pour développer les ressources, un restaurant, voire des boutiques éphémères ; voire encore des salles de conférence.

« En faire le musée Jacquemart André de Lyon… »

« Nous avons cinq objectifs en reprenant le Musée des Tissus, décrit Laurent Wauquiez. D’abord faire du Musée un lieu de rencontres, où l’on peut s’asseoir, manger…Ensuite, remettre au goût du jour les collections via la digitalisation. Puis, rendre accessible les créations aux maisons de mode, aux créateurs pour qu’ils viennent travailler ici et s’inspirer. Mais aussi créer des évènements comme des défilés, des spectacles ou des grandes manifestations artistiques.Et enfin, transformer le musée des Tissus en un grand lieu culturel de Lyon, l’équivalent de ce qui a été fait avec le musée Jacquemart André à Paris ».

Ambitieux donc. Mais pour réaliser ce programme, il faudra mettre au pot 30 millions d’euros.

Comme elle l’a déjà fait préalablement, la région s’engage à verser 10 millions. L’Etat de son côté, via le ministère de la Culture, s’engage à mettre 5 millions d’euros sur la table.

Les industriels du textile réunis au sein d’Unitex apporteront eux 1 million d’euros.

A la recherche de partenariats privés

Il manque donc 14 millions. Où les trouver ? C’est le flou de ce projet de sauvetage : la Région table sur des partenaires privés. Des partenaires qu’avait promis d’amener Gérard Collomb et qu’on n’a jamais vu venir.

Pour autant, Laurent Wauquiez y croit : « Je vais prendre mon bâton de pèlerin, des contacts sont déjà noués », assure-t-il.

Mais de toute façon, pas de crainte à avoir, ajoute-t-il : « Ce qui manquera, la Région le mettra ».

Les travaux de ce Musée des Tissus new-look devraient prendre de deux à trois ans. Mais d’ici là, une ouverture partielle du Musée pourrait être envisagée.

Il faut aussi assurer le fonctionnement du Musée…

Cela pour l’investissement. Restait à régler la question toute aussi ardue du fonctionnement, car il faut bien le dire et c’est pour cela que la CCI voulait s’en défaire : le Musée est un tonneau des Danaïdes et demande une forte somme chaque année pour combler son déficit.

Là encore, le projet est flou. L’Etat s’est engagé à verser 300 000 euros pendant trois ans, la Région assure qu’elle fera un effort à hauteur d’1,3 millions d’euros ; prévue à l’origine à 250 000 euros, la quote-part de la CCI passera de son côté 500 000 euros par an, au moins jusqu’en 2022 ; le tout étant complété par une campagne de crowdfunding, menée par les entrepreneurs d’Unitex qui souhaitent réunir un million d’euros.

Il est vrai que, vu le nombre de signataires de la pétition pour sauver le musée (130 000 signataires), une telle somme pourrait bien être levée.

Au total, si ce sauvetage va coûter cher à la région, elle lui octroie, à elle et à son président une aura de sauveteur dont il devrait tirer un bénéfice politique.

Ce même Laurent Wauquiez en a d’ailleurs profité pour tacler Gérard Collomb et ses deux successeurs : « Lyon et la Métropole ont joué la montre pour obtenir la fermeture du musée et réaliser une opération immobilière. Moi je dis au maire de Lyon qu’il peut reprendre ses esprits et nous rejoindre ; n’aurait-il pas 600 000 euros à mettre dans ce projet ? On peut tous faire des erreurs, mais il faut savoir les corriger… » Et v’lan…

Mais au final, le Musée est sauvé et c’est bien l’essentiel…