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L’exemple Total  et la dernière chance du capitalisme…

Le capitalisme peut-il s’apparenter à un avion fonçant dans le brouillard et finissant par s’écraser sur le mur climatique ou est-il capable de se réformer lui-même comme il a su le faire dans l’Histoire, pour simplement survivre en prenant la tête de la croisade climatique ?

Telle est la question, le cas d’école qui se posera à l’assemblée générale du groupe pétrolier français Total qui se déroule le 28 mai prochain à Paris.

On sent comme un vent de révolution dans le moteur de notre économie, la Bourse.

La société Meeschaert, spécialisée dans la gestion de patrimoine, les family office (gestion des patrimoines des grandes familles d’entrepreneurs) et la gestion d’actif a annoncé qu’elle votera contre le plan “Climat” que Total va soumettre au vote de ses actionnaires le 28 mai. Or, on ne peut pas dire que les dirigeants de Meerschaert fassent figure d’écologistes à tout crin.

L’investisseur qui possède par ailleurs une importante agence à Lyon met en avant pour expliquer sa décision, l’écart entre les mesures annoncées par Total et ce qu’il lui reste à mettre en œuvre pour s’aligner dans la réalité des objectifs climatiques internationaux signés lors des Accords de Paris.

Le tremblement de terre de l’AIE

Et ce, en s’appuyant sur le récent tremblement terre que vient de provoquer la très sérieuse Agence Internationale de l’Energie (AIE) qui a rompu le dogme, en assurant que si l’on veut arriver à 1,5 degré de réchauffement climatique à l’horizon 2 100, fixé par la COP21, il convient dès maintenant pour Total et les autres pétroliers mondiaux, tout bonnement d’arrêter illico presto les investissements dans de nouveaux projets pétroliers et gaziers.

Ce qui remet en cause l’avenir même de Total qui a certes su prendre le virage des énergies renouvelables, tardivement, par ailleurs ; mais tout en poursuivant son développement dans les énergies fossiles.

Total prévoit en effet, selon les études réalisées par l’ONG “Reclaim Finance” d’accroître sa production de gaz de 30 % entre 2019 et 2030. Et selon des projections, le pétrolier français pourrait même augmenter de 50 % sa production d’hydrocarbures entre 2015 et 2030.

Et ce ne seraient pas les énergies renouvelables qui auraient la primauté des investissements, mais bien les énergies fossiles auxquelles seraient consacrées 80 % des investissements de cette société du CAC 40.

L’objectif de Meeschaert, en prenant cette décision radicale, est d’amener les actionnaires “ à modifier les statuts de Total pour encourager la société à aligner ses activités avec les objectifs de l’Accord de Paris en dévoilant un plan d’actions.”

A ce jour, deux actionnaires, certes nettement minoritaires mais dotés d’un certain poids ont annoncé qu’ils voteraient contre la stratégie “Climat” de Total : Meeschaeart et OFI AM. D’autres pourraient suivre cet exemple.

De son côté, le Crédit Mutuel dans un communiqué a annoncé “qu’il s’abstiendra sur la résolution si la stratégie “Climat” ne le convainc pas.”

Patrick Artus, le chef économiste de la Banque Natixis que l’on ne saurait taxer de dangereux gauchiste, n’y va pas par quatre chemins dans son dernier ouvrage intitulé « La dernière chance du capitalisme », co-écrit avec Marie-Paule Virard.

Un capitalisme “à bout de souffle”

Pour lui, le capitalisme dans sa version actuelle est à bout de souffle, les politiques économiques ont atteint leur limite.

Dans cet ouvrage, il met en cause l’inefficacité grandissante dudit capitalisme dans de nombreux domaines, sociaux, mais aussi climatiques : ”Nous avions davantage de progrès techniques et de gains de productivité, plus de croissance et moins de chômage dans les années 1950 ou 1960. Le capitalisme dans lequel nous vivons fabrique une décroissance continuelle des gains de productivité.”

Du côté climatique, pour lui, “ il ne suffit pas d’investir dans les énergies renouvelables pour réduire les émissions de C02. Une transition énergétique rapide signifie aussi qu’un stock important de capital devient inutilisable, tels les gisements de pétrole et de gaz, les raffineries de pétrole.” Et ce, sans cacher ce qu’une telle décision poserait comme problèmes sociaux.

Pour Patrick Artus, c’est clair : « Il nous reste quelques années seulement pour imaginer un capitalisme rénové et plus équilibré…”

A cet égard, l’assemblée générale de Total, le 28 mai va constituer un crash test particulièrement intéressant…

Photo-Réservoirs de la raffinerie Total de Feyzin (Rhône)