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Pénurie grandissante de main-d’œuvre dans l’industrie : les raisons de la faillite

« Le diagnostic, établi de longue date, n’incite pas à l’optimisme… »

 C’est ainsi que débute un intéressant rapport sur la « formation professionnelle et industrie », signée de « la Fabrique de l’industrie » qui pointe du doigt les raisons de la pénurie grandissante de main-d’œuvre, de plus en plus criante dans certaines branches dans la phase actuelle de reprise de la croissance, fut-elle lente.

 Quelques chiffres parlent d’eux-même. De source même de Pôle emploi (2013), sur les 12 000 embauches d’ingénieurs cadres études Recherche&Développement, 6 675, soit près de 55 % s’avéraient difficiles, voire très difficiles.

 Ce pourcentage monte à 75 % pour les tôliers, chaudronniers, traceurs ou serruriers dont les besoins étaient estimés cette année là à 4 000.

 Le pompon est atteint chez les tuyauteurs dont 77 % des embauches (800) se sont transformées en véritable casse-tête cette année là.

 Selon le Medef, près d’un tiers des entreprises industrielles a des difficultés de recrutement. Un chiffre qui a donc tendance à croître.

 A travers de nombreux entretiens et réflexions d’acteurs de terrain détaillés dans ce rapport, la grande faillite française en matière de formation professionnelle, se constate à livre ouvert.

 Ainsi Elisabeth Ducottet, pédégère de Thuasne à Saint-Etienne constate que la France a trop vite tiré un trait sur son industrie textile et fermé un trop nombre de formations qui y conduisaient.

 Thuasne, leader mondial de la ceinture lombaire ne trouve plus les tricoteurs dont elle a besoin pour ses usines. Elle doit embaucher des jeunes sans expertise qu’elle met deux ans à former.

« L’Education nationale n’est pas à l’écoute… »

 Ce qui l’amène Elisabeth Ducottet à constater sans aménité : « L’Education nationale n’est à l’écoute, ni des besoins, ni des jeunes, ni des entreprises… » Fermez le ban !

 Autre témoignage dans ce rapport, celui du proviseur du lycée des métiers à Genevilliers en région parisienne : « Les élèves vont choisir une formation en fonction d’une demande sociale. Ils sont nombreux à s’orienter vers un bac pro commerce ou une administration parce que, pour eux, c’est encore le fantasme du « col blanc ».

 Et d’ajouter : « Aujourd’hui, nous avons une formation en plasturgie après laquelle, les élèves sont assurés de trouver à 100 % un emploi. » Et de se désoler : « Pourtant, cette section ne se remplit pas… »

 Un énorme décalage

 Il existe désormais un énorme décalage entre l’image qui poursuit l’industrie (bruit, inconfort, travail physique, ennui) et sa réalité.

 Or, désormais, les postes de contrôles sont informatisés. On a plus besoin de cerveaux que de bras, il faut des BTS ou des Bac Pro avec des responsabilités grandissantes.

 Avec à la clef de bons salaires, des horaires réguliers : des métiers paradoxalement plus « confortables » que la restauration et la grande distribution avec leurs horaires à rallonge.

 « A force d’avoir dévalorisé les métiers manuels, on en manque », est bien obligé de constater Alain Roumilhac de Manpower.

 Le constat n’est certes pas nouveau, mais est plus que jamais vécu au quotidien : «  l’industrie et les formations menant à des métiers industriels souffrent d’un déficit de promotion important de la part des acteurs de l’orientation, qu’il s’agisse des conseillers d’orientation-psychologues (Cop) de l’Éducation nationale, du corps enseignant, des conseillers emploi des missions locales, mais aussi et surtout des familles », explique le rapport.

 Constat donc de la « Fabrique de l’industrie » à l’issue de ce rapport : « Le manque de personnel qualifié est un frein à la compétitivité des industriels ». Si l’industrie française a eu de la peine à retrouver ses niveaux d’avant la crise des subprimes en 2008, une des raisons réside sans doute là.

 A comparer avec l’Allemagne dont l’industrie, grâce à son système de formation professionnelle basé pour une grande part sur l’apprentissage, a retrouvé un niveau nettement supérieur.

 « L’immense échec du système de formation français »

 C’est l’économiste Elie Cohen qui dresse le constat le plus dur : « En toile de fond, il y a l’immense échec du système de formation français ».

 Et ce n’est pas en s’appuyant sur ce système de formation comme le récent plan d’urgence pour l’emploi annoncé par François Hollande, que l’on a des chances de s’en sortir.

 Pour « La Fabrique de l’industrie », le problème est celui du consensus de la société française sur ce sujet : « L’important est qu’en absence de consensus, la stabilité de ce jeu idéologique n’a guère contribué à augmenter tant la lisibilité que l’attractivité sociale de ces filières, bien au contraire… »

Va-t-il falloir attendre que notre industrie se retrouve dans une impasse pour que l’on réagisse enfin ?