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Plaidoyer pour une monnaie numérique européenne

Le marché ne peut pas tout. Le capitalisme a besoin de régulation. C’est ce qu’on entend désormais dans bien des cénacles économiques pourtant longtemps adeptes du laisser-faire laisser-aller des Chicago Boy’s de Milton Friedman, adeptes du libéralisme sans frein.

Dans le domaine climatique, par exemple, c’est un décideur de poids comme François Villeroy de Galhau, directeur de la Banque de France et membre du Board de la Banque Centrale Européenne qui assurait à Lyon, lors des Jéco (Journées de l’économie), que « laisser faire le marché dans le domaine climatique, ce sont les 4 degrés de réchauffement climatique assurés ».

Il faut donc réguler.

La question se pose désormais dans le domaine monétaire depuis l’annonce faite par Facebook qui a provoqué une onde de choc planétaire de la création du libra, une monnaie virtuelle totalement privée qui pour beaucoup recèle des potentialités dangereuses.

Contrôlable

L’Europe, plutôt que de regarder faire ne pourrait-elle pas créer aussi sa monnaie virtuelle, créée par les Etats et donc contrôlable ?

C’est ce qu’opportunément vient de proposer l’actuelle présidence finlandaise de l’Union européenne, suggérant la création d’un telle monnaie numérique qui serait chapeautée par la Banque centrale européenne (BCE).

« La BCE et les autres banques centrales de l’UE pourraient explorer les opportunités et les défis relatifs à l’émission de devises numériques », est-il écrit dans cette proposition (*).

La Finlande invite ainsi les 28 Etats membres (encore 28, avant Brexit) à développer une approche commune sur les cryptomonnaies avec, parallèlement, la possibilité d’interdire les projets jugés trop risqués, à l’instar du libra, par exemple…

L’idée affichée est d’autoriser les consommateurs européens à utiliser de l’argent électronique qui pourrait être directement déposé auprès de la BCE, sans nécessité d’un compte en banque. Une vraie révolution.

C’est un projet qui pose lui aussi beaucoup de questions et qui, il ne faut pas se voiler la face, ne serait pas simple à mettre en œuvre.

Dans le sens de l’Histoire

Quel serait dans l’histoire, par exemple, le rôle des banques ? Seraient-elles associées d’une manière ou d’une autre ? Et si, non ; quelle concurrence ?

Quid des risques de blanchiment qui est l’une des plus importantes critiques faites au libra de Facebook et qu’une telle monnaie cryptée, elle aussi, pourrait induire ; comme les éviter ?

Enfin, une telle monnaie cryptée européenne poserait de nombreux problèmes techniques : elle nécessiterait de modifier les textes européens et nationaux pour assurer le fonctionnement effectif du nouveau dispositif , s’il franchit la barre de l’accord des Vingt-Huit.

Reste, malgré tous ces obstacles, que cette proposition va dans le sens de l’Histoire.
Les choses pourraient même aller assez vite : selon le calendrier proposé par la Finlande, cette proposition va être prochainement soumise aux ministres des Finances de l’UE, en vue d’une possible adoption définitive le 5 décembre 2019.

Une certitude : un tel projet ne sera pas facile d’emblée à faire adopter, même si l’aval de la France semble être acquis si l’on en croit les déclarations de Bruno le Maire, ministre de l’Economie.
Il faut néanmoins souhaiter que ce projet aboutisse, ce qui introduirait un gros caillou dans le projet libra.

Tout le montre actuellement : face aux deux blocs qui se disputent l’hégémonie mondiale, l’américain qui laisse faire Facebook et le chinois qui veut lancer sa propre cryptomonnaie, ce n’est pas de moins d’Europe dont nous avons besoin, mais de plus d’Europe.

Comme pour le climat, une telle monnaie cryptée conforterait le rôle régulateur de l’Europe, face à un monde qui, trente ans après la chute du mur, semble avoir perdu sa boussole.

(*) Selon l’agence de presse Reuters, repris par « L’Usine Digitale ».