Soupçons d’espionnage au siège de la Région : un AngelGate à Lyon ?
Va-t-on vers un petit « AngelGate » local à l’image de ce qui s’est passé avec « les Fadettes » du Monde ou les faux voleurs du Watergate mais façon Big-Brother à la chinoise ? « A l’évidence, tant pour la majorité que pour l’opposition, le dossier est explosif.
« Cette affaire d’espionnage des boites électroniques de la région qui a duré de novembre 2015 à janvier 2017 est très grave », reconnaît Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne Rhône-Alpes qui semble tout aussi perturbé que l’ancien exécutif que pilotaient Jean-Jack Queyranne et Jean François Debat, le patron du PS à la Région.
Du coup avant de déposer plainte, Laurent Wauquiez lance un audit interne. Cette découverte incroyable a été faite par le Syndicat Sud CT en ce début d’année. Pensant être victime d’un hacker extérieur, le syndicat a alerté le cabinet et demandé une enquête pour savoir qui est derrière ce piratage systématique de ses boites mail et de toutes les autres. Personne n’y échappe : directeurs, agents, syndicats, élus ou groupes politiques majorité ou opposition toute tendance confondues sans parler du contrôle des relations avec les journalistes !
AngelGate : l’arroseur… arrosé !
Chercher à comprendre ce qui s’est passé et par quel circuit, c’est ce qu’a fait le journaliste Gérard Angel, fondateur de la lettre politico satirique « Les potins d’Angèle » qui outre ses petites brèves taquines, fait depuis onze ans des enquêtes qui dérangent son sport favori. Le tout avec pugnacité, indiscrétion et humour un peu à la sauce « Canard enchaîné ».
Gérard Angel, créateur des « Potins »
Gestions hasardeuses, dérapage tel Erai, Villa Gillet, Pavillon de Shanghai, expos de Milan, voyages, frais de mission, comme toutes les organisations ou les faits qu’il passe au scanner, Gérard Angel a le souci du détail. Il était évident que des rapports confidentiels fuitaient de l’intérieur. Restait à savoir par qui… Avec Internet, tout est facile pas besoin de faux plombiers ou de voleurs, pour traquer les suspects.
C’est ainsi qu’un 5 novembre 2015, les services informatiques reçoivent d’un de leurs chefs une demande pour pouvoir accéder à toutes les boites mail de la Région, avec en prime un petit mot d’explication classé « confidentiel » pour la presse : « Merci de nous transmettre comme cela avait été fait le 05/10/2015 les logs de messagerie contenant le nom « dangele » sur le dernier mois ».
A sa grande surprise, Gérard Angel découvre le 9 février par ce biais qu’il est une des victimes de ce pistage secret. Et ce avec un régime spécial, comme le prouve cet ordre d’examiner rétroactivement tous les mails entrant ou sortant au nom « dangele » depuis octobre 2015… Or c’est son mail !
« Les faits sont avérés du moins sur la période d’octobre à décembre 2015 qui couvre la fin de la précédente mandature et les élections régionales. Voir une telle tentative de contrôle d’un journal et d’atteinte au secret des sources est inacceptable, précise totalement offusqué Gérard Angèle à Lyon-Entreprises. Devant la gravite des faits, nous avons décidé avec Maitre André Soulier de déposer plainte ce lundi 20 février pour violation de cette règle de confidentialité qui fait loi en France et en Europe pour garantir et protéger la liberté de la presse »
Y a t’il eu ordre d’espionner ou non ?
« Dérapage isolé ou commandité, à ce jour personne ne le sait », explique Gérard Angel qui s’est penché sur l’organigramme de 2015 pour en saisir les maillons.
Tout est flou mis à part le fait que tout est passé par les services en charge de l’informatique et donc probablement par le DSI de l’époque Benoit Dehais qui a quitté la région pour l’Occitanie après le changement de majorité. « Oubli ou mensonge, Benoit Dehais dit n’avoir reçu aucune demande de ce type et n’être au courant de rien alors qu’il semble le seul à pouvoir donner ou transmettre un tel ordre.
L’a-t’il fait de sa propre initiative, c’est peu probable, poursuit Gérard Angèle. Benoit Dehais dépendait alors du DGS, Directeur général des services, Philippe de Mester, (nommé depuis Préfet de la Somme) et de son adjointe directe Valérie Chatel (partie en Franche Comté). Joint par téléphone et mail, l’ex-DGS n’a pas trouvé le temps de répondre pour dire si oui ou non il était au courant et s’il avait agi de lui-même ou sur ordre d’un élu, d’un directeur voir du président Jean-Jack Queyranne.
Pour sa part Jean-Jack Queyranne dit n’être pas au courant de telle surveillance. Idem, du coté de son vice président aux finances, Jean François Debat terriblement choqué. Il demande à Laurent Wauquiez une enquête de toute urgence pour faire la lumière sur cette affaire qui a touché tout le monde, majorité de l’époque ou opposition, permanents ou élus !
Ce piratage tombe en pleine bataille pour les élections régionales prévues le 6 et 13 décembre. Socialistes, Républicains, Ecologistes, FN… La lutte est serrée. Le premier réflexe est de se tourner vers Jean-Jack Queyranne, le DGS et l’équipe en place plus qu’agacés de se voir autopsiés et épinglés sans concession par la presse et les équipes adverses. Les enquêtes sur les affaires et sa gestion désastreuse dérangent, les taupes qui alimentent les médias encore plus mais de là à imaginer une telle opération d’espionnage commandité par le président ou un élu, ça frôle le délire !
Les Potins Papers et le secret des affaires
« Peu a peu, le but de ce pistage version high-tech devient clair », ajoute Gérard Angel : pouvoir lire en toute discrétion les messages échangés entre la Région et les Potins dont les papiers enrichis d’éléments secrets hérissent l’équipe ou les directeurs en place. Comme par exemple les polémiques dénoncées en avril 2015 sur le coût de l’expo éphémère de Milan (2 000 euros le m2) ou en octobre sur le marché des cars Faure avec l’Aéroport qu’un courrier de l’ancien DGS aurait pu orienter. D’ici à déduire que ce directeur au d’autres aurait pu chercher à savoir qui pouvait trahir ces petits secrets de famille… Impossible à ce jour de le dire.
Quant Lyon-Entreprises demande à Gérard Angel, s’il a des pistes, il répond : « Pour ma part, je n’ai aucun soupçon, les personnes que je connais et avec qui j’échange depuis des années sont des gens bien. Les jeux de pouvoir sont complexes. Seule une enquête judiciaire pourra dire qui a fait quoi, pourquoi et sur quel ordre. »
Il est vrai, que les plumes affutées de ce canard local lancé il y a onze ans font tousser les élus et les décideurs de tous bords qui sont la cible de ces Potins Papers sur les affaires…
En attendant, une question trouble Gérard Angel : « Qu’est ce qui a pu à ce point inquiéter le pouvoir, le DGS ou les acteurs en place pour qu’un jour l’un d’eux décide de lancer une telle opération d’espionnage, sur un journal tel les Potins d’Angèle ».
Au final cette grave entorse à la liberté d’informer pourrait presque être un honneur pour le père de ce vilain petit canard, qui malmène le microcosme avec une pertinence et une impertinence que tous guettent et redoutent…
Marie Françoise VILLARD
Voulant vérifier les droits informatiques sur sa messagerie, le Syndicat sud CT Auvergne Rhône Alpes a été très désagréablement surpris de découvrir que quelqu’un s’était discrètement octroyé un accès total à la messagerie syndicale. En gros, que l’ancien directeur des services informatiques pouvait lire discrètement tous les mails du syndicat SUD ! le syndicat demande que toute la lumière soit faite sur ces agissements d’un autre temps pour savoir qui en est l’auteur et quelle ampleur a atteint cette curiosité déplacée.
(*) http://www.lespotinsdangele.com
voir le dossier « Sous Queyranne la Région espionnait les potins » n° 527 du 16 au 22 février 2017