Transport aérien et élection présidentielle : comment sauver les ailes françaises du crash ?
L’évolution de Lyon-Saint Exupéry en constitue l’illustration parfaite. Le dynamisme du trafic est assuré par des compagnies étrangères, à l’instar d’Emirates, d’Air Canada ou d’Easy Jet et de moins en moins par des compagnies françaises.
Air France et ses filiales qui, il y a une quinzaine d’années réalisaient plus de 50 % du trafic n’est plus qu’un challenger qui n’arrive plus à enrayer ses parts de marché.
C’est bien simple, : depuis 2000, les parts de marché dans l’Hexagone des compagnies tricolores ont chuté de 60 à 43 % et devraient tomber à 35 % « au mieux » en 2022 !
« La dynamique du marché français est pour l’essentiel captée par les compagnies aériennes étrangères » a bien été obligé de constater Pascal de Izaguirre, le président de Corsair lors d’une conférence de presse à Paris, de la Fédération nationale de l’aviation marchande (FNAM) destinée récemment à interpeller les candidats à l’élection présidentielle sur les difficultés et le déclin du pavillon français.
Car là aussi, faute d’avoir su prévoir et adopter une stratégie claire, le transport aérien hexagonal descend en piqué, alors que grâce au développement du low cost qui a démocratisé le transport aérien, le trafic croît chaque année en France de 5 à 6 %.
Pour les patrons des quelques compagnies tricolores qui surnagent, si l’Etat ne met pas en place une stratégie favorable au transport aérien, 16 000 emplois supplémentaires dans les compagnies aériennes pourraient disparaître d’ici cinq ans !
Les compagnies tricolores à la traîne
Les ailes étrangères ont transporté depuis 2000, quarante-trois millions de passagers supplémentaires en France, soit…six fois plus que les opérateurs français. Gloups !
Un déclin inéluctable ? Non si, selon Pascal de Izaguirre, « le pavillon français pouvait se battre à arme égales avec ses concurrents… »
Parmi les mesures souhaitées figure « une stabilisation des taxes et des charges aéronautiques ». Une allusion aux niveaux de redevances d’Aéroports de Paris que les compagnies veulent voir baisser depuis de nombreuses années.
Est également réclamée la prise en charge des dépenses de sûreté dans les aéroports non pas sur le dos des compagnies aériennes, mais sur celui de l’Etat, ce qui est le cas dans la plupart des pays européens. Ce serait près de 800 millions d’économisés.
Au Royaume de l’absurde, la France est reine
Autre souhait : la simplification du cadre réglementaire. Au royaume de l’absurde, la France est reine : contrairement là encore à la plupart des autres pays européens, la réglementation française corrige et alourdit les textes européens ! Les exemples sont nombreux. Ce qui provoque un déficit de compétitivité estimé à 1,6 milliard d’euros.
Est aussi, comme on pouvait s’y attendre, pointée du doigt « la concurrence déloyale » des compagnies aériennes et notamment de celles du Golfe qui selon les patrons des compagnies françaises, bénéficient à la fois « des pratiques du dumping social et d’aides directes et indirectes de leur Etats-actionnaires ». Ceci explique que pour répondre à cette critique, Emirates sur le Lyon-Dubaï est cantonné à cinq vols par semaine et non sept, comme demandé régulièrement par la compagnie, ce qui entrave le développement de Lyon-Saint Exupéry.
« Si l’on échoue, c’est qu’on est vraiment mauvais… »
Ces critiques peuvent être recevables. Mais, les compagnies françaises ne devraient-elles pas balayer aussi devant leur porte. En faisant preuve d’imagination, les compagnies hexagonales peuvent améliorer leur compétitivité, comme le prouve par exemple le succès de la compagnie XL Airways qui vient de créer à Lyon, après La Réunion, un vol en direction de La Guadeloupe.
On peut également pointer du doigt les pesanteurs rencontrées à Air France où l’on a tendance à se défausser sur l’Etat au lieu de mener les nécessaires réformes en interne pour redresser le pavillon français. Le principe de réalité et d’une économique ouverte passe aussi par là !
Il faut enfin savoir qu’en Europe, le marché français, pourtant première destination touristique mondiale, bénéficie malgré tout d’un environnement concurrentiel moins élevé qu’au Royaume-Uni ou qu’en Allemagne.
Malgré, c’est vrai des charges effectivement plus lourdes, la France bénéficie d’atouts réels. Si le prochain gouvernement se saisissait réellement du dossier et mettait en place une vraie stratégie et non pas une politique du coup par coup, comme c’est le cas actuellement, le redressement des ailes françaises pourrait sans doute être opéré.
C’est ce qui fait dire à Marc Rochet, le patron des dynamiques compagnies hexagonales Air Caraïbes et French Blue, cette dernière étant une vraie low cost tricolore : « Notre pays est béni des dieux. Si l’on échoue, c’est que l’on est vraiment mauvais ! » Une manière aussi de dire : « Aide-toi, l’Etat t’aidera »…