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Rhône-Alpes : les vrais chiffres des relocalisations

Nicolas Sarkozy était le 13 décembre sur le site relocalisé de Rossignol à Sallanches en Haute-Savoie pour vanter le « produire français ». Le retour à la fabrication tricolore constitue un des thèmes dominants de la campagne des présidentielles. Une intéressante étude menée par des chercheurs de deux Laboratoires de recherche de Grenoble et de Lyon permet cependant de constater que les relocalisations restent rares et ne progressent pas. Un espoir cependant, alors que le solde entre délocalisation et relocalisation tend quelque peu à s’améliorer, cette étude conclut que l’action publique peut jouer un rôle non négligeable pour tenter d’accentuer ce phénomène de retour au pays.

Nicolas Sarkozy, en se rendant le 13 décembre sur le site relocalisé des skis Rossignol à Sallanches a voulu donner un signal fort. Il s’agissait pour le président de la République de porter un coup de projecteur sur le « produire français » en s’appuyant sur le retour de Taïwan de la fabrication des skis juniors.

Et effectivement depuis 2010, Sallanches fabrique chaque année pour Rossignol 60 000 paires de ski junior. Quel effet pour l’emploi ? Faible : vingt emplois seulement contre une perte de 1 300 emplois entre 2005 et 2010 !

Nicoals Sarkozy a pu apprendre à cette occasion que cette relocalisation limitée a permis à Rossignol de gagner en réactivité et de résoudre son problème de réapprovionnement des détaillants. Il a également appris que les matières premières constituent 70 % du coût de fabrication des skis, ce qui, à Taïwan, provoquait des surcoûts de transport.

Tous ces informations figurent dans une très intéressante étude menée par deux laboratoires de recherche de Grenoble et de Lyon sur la réalité des relocalisations. La rédactrice du rapport final, Catherine Mercier-Suissa (IAE, Lyon3) n’y va pas par quatre chemins : « elles sont rares et n’augmentent pas ».

Outre Rossignol, année de la relocalisation du fabricant de skis, 2010 a été aussi marquée par une seule autre relocalisation : celle des stylos Reynolds qui, après avoir délocalisé la fabrication de stylos en Chine et surtout en Tunisie a rapatrié -seulement-une partie de sa logistique à Valence.

Ainsi, de 2005 à 2010, les chercheurs n’ont comptaiblisé que huit relocalisations : Sullair (compresseurs industriels) à Montbrison dans la Loire, en 2005 ; Modern’Optique (lunetterie) à Oyonnax et MSA Gallet (équipements de sécurité) à Chatillon-sur-Chalaronne dans l’Ain, en 2007 ; Mafelec (matériel électrique) à Chimilin en Isère et PCI-SCEMM (sous-traitant automobile) à Saint-Etienne, en 2008 ; Pramac France (groupes électrogènes) à Saint-Nizier-sous-Charlieu dans la Loire et Ultra Nova (scies à main et scies machines) à Roanne dans la Loire en 2009.

Selon cette étude, les raisons de ces relocalisations tiennent d’abord à des problèmes de qualité. « Ce ne sont plus tant les défauts qui sont stigmatisés, mais la qualité, tels que la non conformité des caractéristiques techniques », précise Catherine Mercier-Suissa.

Surviennent ensuite les problèmes de délais et les questions de coût « Mais la part d’autojustification est encore difficile à apprécier », explique l’universitaire.

Elle note également que « la relocalisation passe le plus souvent par un positionnement plus haut de gamme, permettant des prix unitaires de vente plus élevés. »

Enfin, cette étude met en évidence deux éléments qui pourraient être riches d’enseignements pour l’avenir. La richesse des territoires en termes de recherche de pôles de compétitivité, et de sous-traitance est primordiale : « L’attractivité du territoire se joue notamment à travers l’infrastructure locale adéquate et de systèmes productifs locaux. La présence de sous-traitants compétents est un atout pour les firmes qui sont en recherche de qualité, de réactivité et de répartition de l’effort d’investissement », explique la rédactrice du rapport.

Et cette dernière, d’enfoncer le clou : « Articulés de manière cohérente, ces éléments peuvent constituer des nœuds de stabilité relatifs au sein des circuits économiques globaux, c’est-à-dire des points d’intervention pour l’action publiques ».

Autre enseignement de cette étude : « La capacité à produire des biens de qualité supérieure ou à intégrer des normes de développement durables dans la production de biens et de services est une condition nécessaire aux relocalisations souhaitables, car à plus forte valeur ajoutée. »

D’oû, souligne-telle, une fois encore, « L’importance des investissements publics et privés dans l’enseignement et la formation qui se donnent pour objectif de développer des capacités d’analyse, d’adaptation et d’initiative, au-delà des nécessaires connaissances techniques. »

En clair, en bâtissant une vraie politique, il est sans doute possible d’augmenter le rythme des relocalisations. Un espoir existe : le solde entre délocalisations et relocalisations qui se dégradait entre 1993 et 2003 s’est plutôt amélioré ces dernière années…

(*) Baptisée « Damier » et menée pour la région Rhône-Alpes, à travers une convention, cette étude a été réalisée par un groupe de travail composé de chercheurs du laboratoire d’économie de la production et de l’intégration internationale (LEPII) de l’Université Grenoble II et du Centre de recherche Magellan de l’Institut d’Administration des Entreprises (IAE, Université Lyon III).

Photo (AFP-Photo pool) : Nicolas Sarkozy visitant l’usine Rossignol relocalisée à Sallanches en Haute-Savoie.