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Licenciement suite à retrait de permis de conduire : oui, mais …

La suspension ou l’annulation du permis de conduire pose des problèmes juridiques particuliers lorsque le salarié a besoin de conduire pour exercer son activité professionnelle : commercial, chauffeur, livreur… Le chef d’entreprise se retrouve en effet face à un salarié qui ne peut plus accomplir la mission pour laquelle il est payé. Comment peut-il gérer cette situation ?

Il est tout d’abord possible de rechercher des solutions « soft » : affectation temporaire à un poste sédentaire, formation, congé sans solde… Mais elles ne sont pas toujours simples à mettre en œuvre, ni rapides, ni acceptées par le salarié.

Le licenciement est également possible, mais attention à bien maîtriser la procédure !

Dans un cas récent, la Cour de Cassation a rappelé certains principes, hélas au détriment de l’employeur.

En l’espèce, un commercial itinérant s’est vu retirer son permis de conduire à la suite d’un excès de vitesse commis en dehors du temps de travail, lors d’un déplacement privé, avec son véhicule de fonction.

Sachant que l’on ne peut invoquer de motif disciplinaire pour des faits commis en dehors de la relation de travail, l’employeur avait bien veillé à ne pas licencier pour motif disciplinaire. En effet, dans le cadre strict de son travail, le salarié n’avait commis aucune faute.

Le courrier de notification du licenciement se basait donc sur une clause, insérée dans le contrat de travail, et qui prévoyait sa rupture automatique en cas de perte de son permis par le salarié. L’employeur pensait avoir tout prévu, et en plus tout simplifié !

Erreur !

La Cour d’Appel a bien validé le licenciement en considérant qu’il ressortait des pièces du dossier que la suspension du permis de conduire avait causé un trouble caractérisé dans le fonctionnement de l’entreprise, le salarié s’étant mis dans l’impossibilité de continuer à exécuter son contrat de travail.

Mais la Cour de Cassation a cassé cet arrêt en appliquant 2 principes bien connus :

Aucune clause d’un contrat de travail ne peut prévoir le licenciement automatique d’un salarié, quel qu’en soit le motif ; tout licenciement exclusivement basé sur une telle clause est nécessairement sans cause réelle et sérieuse.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige, ce qui veut dire que l’employeur ne peut justifier le licenciement a posteriori par des motifs autres que ceux qui figurent dans le courrier de notification, quand bien même ces motifs seraient parfaitement établis et auraient pu justifier le licenciement…

L’employeur, dans ce cas d’espèce, avait donc parfaitement la possibilité de licencier le salarié, en le invoquant dès le courrier de notification du licenciement l’impossibilité d’exécuter le contrat et la perturbation qui en résultait dans le fonctionnement de l’entreprise.

Mais, faute d’avoir utilisé le bon argument au bon moment, il a dû verser un indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse au salarié.

Dernière précision, importante, sur ce sujet : l’employeur a tout intérêt à s’assurer régulièrement que ses salariés à qui il confie ses véhicules sont bien titulaires d’un permis en cours de validité.
En effet, en cas d’accident, l’assurance du véhicule de garantira aucun dommage ; de plus, des victimes pourraient tenter de rechercher la responsabilité de l’entreprise ; mieux vaut alors être capable de démontrer que toutes les précautions avaient été prises afin d’éviter de se retrouver dans une telle situation….

Les arrêts de la cour de cassation

Dans 2 arrêts récents, la cour de cassation rappelle un principe bien établi: l’employeur qui n’a pas respecté une de ses obligations ne peut pas invoquer l’absence de réaction du salarié pour s’exonérer de toute responsabilité.

Le 1er arrêt concerne l’obligation de formation et d’adaptation des salariés.

Depuis quelques années, le code du travail et la jurisprudence ont introduit une nouvelle obligation pour le salarié : adapter le salarié à l’évolution des technologies, sur l’ensemble de sa carrière.
Après un licenciement, si le salarié en fait la demande, les tribunaux indemnisent le préjudice résultant de l’absence de formation, qui diminue sa capacité à retrouver un emploi.

Un employeur à qui il était reproché de ne pas avoir formé son salarié durant la relation contractuelle, invoque pour se défendre le fait que le salarié licencié n’avait jamais fait aucune demande de formation.
La haute cour balaie cet argument: l’obligation de veiller au maintien de la capacité des employés à occuper un emploi relève de l’initiative de l’employeur.

Celui-ci doit donc régulièrement faire des propositions écrites de formations à ses salariés, faute de quoi il s’expose à devoir lui payer des dommages et intérêts lors de la rupture du contrat, et ceci même si cette rupture est parfaitement justifiée.

La jurisprudence est récente en l’espèce, mais il se dégage quelques tendances: est condamné l’employeur qui n’a proposé aucune formations en 12, 16 ou 24 ans de présence; par contre, une période de 1 an et 8 mois a été jugée trop courte pour générer un préjudice.
A mi-chemin, une salariée n’ayant eu aucune formation en 7 ans a obtenu 6000€ de dommages et intérêts.

Le second arrêt concerne la convention de forfait-jour

Convention par laquelle le salarié ne compte plus ses heures de travail quotidiennes et hebdomadaires, mais doit à son employeur un certain nombre de jours de travail dans l’année.
Une telle convention doit obligatoirement être accompagnée d’outils de suivis afin de garantir que la charge de travail du salarié est raisonnable, qu’il ne travaille pas au-delà des limites légales (10h par jour, 48h par semaine etc…).

La mise en place effective de ces outils de suivi étant de la responsabilité de l’employeur, une convention de forfait ne peut déléguer au seul salarié l’entière responsabilité de veiller à organiser et répartir sa charge de travail.

Si tel est le cas, la convention de forfait est nulle et le salarié peut revendiquer le paiement des heures supplémentaires réalisées, voire la condamnation de l’employeur au titre du travail dissimulé.

Attention donc aux conventions de forfait mal rédigées et/ou mal suivies…

Suspension de permis et assurance: il est très important d’être transparent !

Certaines règles concernant les infractions légères au code de la route ont été assouplies début 2011. Les principales mesures ont été les suivantes :

  • possibilité de récupérer 1 point au bout de 6 mois au lieu d’un an;
  • possibilité d’effectuer un stage de récupération tous les ans au lieu de tous les 2 ans ;
  • possibilité de reconstituer son capital de 12 points à partir de 2 an sans aucune infractions au lieu de 3 ( sauf pour les infractions les plus graves)
  • etc…

Depuis, et c’est heureux, le nombre de morts sur les routes a continué à baisser.
2013, avec 3250 décès, en baisse de 11% sur 2012, présente le chiffre le plus bas depuis 1948, date de l’apparition des statistiques.

Par contre, si certaines règles ont, à bon escient, été assouplies, d’autres ont été sévérisées.

C’est le cas en particulier de la conduite sans permis.

La sanction maximale est passée à 1 an de prison et 15000€ d’amende, avec confiscation obligatoire du véhicule (si le conducteur en est le propriétaire), sauf décision contraire et motivée du juge.

Mais le plus grave est bien évidemment dans les conséquences en cas d’accident; en effet, l’assurance ne couvrira pas le conducteur; les victimes seront bien évidemment soignées, les frais médicaux et d’hospitalisation étant pris en charge par un fonds de garantie… qui se retournera ensuite contre le conducteur !

Lequel, en plus des sanctions pénales encourues, se verra donc obligé de rembourser des sommes pouvant être considérables.

Si tout ceci est à peu près connu de tous, il est une disposition du code des assurances qui l’est moins: le conducteur doit informer son assureur de toute circonstance nouvelle susceptible d’accroître les risques, et la suspension de permis en est une.
Bien sûr, on n’a pas tendance à le faire spontanément, car le risque d’augmentation de la cotisation, voire de résiliation, est réel, selon l’infraction commise.
Mais ne pas déclarer cette suspension aurait une conséquence grave et méconnue : le conducteur qui, après avoir récupéré son permis, reprendrait le volant et aurait un accident pourrait ne pas être couvert, l’assurance invoquant le défaut d’information du facteur de risque supplémentaire pour se dégager.
Attention donc: vous devez informer votre assurance d’une suspension de permis, pour être couvert quand vous reprendrez, en toute légalité, le volant.

Bien sûr, la meilleure solution et de loin, est de ne jamais perdre son permis !

A travail égal salaire égal : concrètement, cela veut dire quoi ?
Si ce principe est bien connu du grand public, il est plus difficile d’en percevoir les applications réelles dans la vie professionnelle, car on sait tous qu’au même poste il peut y avoir des salaires différents, sans que cela soit forcément illégal voire anormal, ou encore injuste.
Quelle est donc sa portée réelle ? Petit tour d’horizon sur la question….

1/ Quelles sont les rémunérations concernées :

Tous les éléments de rémunération doivent être pris en compte : salaire de base, bien sûr, mais aussi primes, gratifications, bons d’achat, nombre de jours de congés, impact d’une absence sur la rémunération, indemnités kilométriques etc…

2/ Le cadre de la comparaison :

Elle s’effectue entre salariés appartenant à la même entreprise et dont la rémunération est établie par la même source juridique : convention collective, accord d’entreprise ou d’établissement.
Ce qui veut dire que dans le même groupe, si l’on relève de conventions collectives différentes ou de filiales ayant des accords spécifiques, la règle ne s’appliquera pas entre salariés dépendant de règles différentes.

3/ la notion de « travail égal » :

Elle recouvre en fait les notions de « même travail » ou de travail ayant une « valeur égale ».
Ce qui veut dire que l’on ne compare pas le contenu du poste, mais les compétences professionnelles, l’expérience, les responsabilités, la charge mentale ou physique ou nerveuse qu’il exige.
On pourrait ainsi comparer, par exemple, un plombier et un maçon, un électricien et un mécanicien, un DRH et un DAF.

4/ les éléments pouvant justifier une différence de rémunération :

Ils doivent être objectifs, pertinents et matériellement vérifiables.
Cela peut donc être :

  • L’ancienneté et l’expérience
  • Les responsabilités
  • La qualité du travail… à conditions de justifier objectivement les différences, par exemple via des entretiens d’évaluation
  • Des difficultés de recrutement dans certains métiers, obligeant à « pousser » les rémunérations à l’embauche
  • Des contraintes économiques

5/ Eléments ne pouvant pas justifier une différence de rémunération :

  • Le statut : CDI, CDD, Intérim
  • Un mandat de représentant du personnel, même en arguant de nombreuses indisponibilités liées au mandat
  • Le diplôme, à toutes choses égales par ailleurs

Toutes ces règles me semblent démontrer un certain pragmatisme de la jurisprudence… mais vous n’êtes pas obligés de partager cet avis