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Trois ans après la généralisation de la “Ville 30” sur la quasi-totalité de Lyon et dans plusieurs communes de la métropole, l’heure est au bilan. Alors que les premiers chiffres consolidés pour 2024 confirment une forte baisse de l’accidentologie, les questions d’impact économique, de transformation urbaine et de retour sur investissement commencent à émerger.

Un changement d’échelle : de la zone 30 à la ville 30

Le 30 mars 2022, Lyon franchissait un cap en décidant de généraliser la limitation de vitesse à 30 km/h sur la majeure partie de son territoire, rompant ainsi avec le modèle traditionnel des « zones 30 » limitées à quelques secteurs scolaires ou résidentiels. L’initiative s’inscrivait dans une politique métropolitaine plus large, pilotée par la Métropole de Lyon, qui a rapidement vu 24 communes rejoindre le dispositif.

En 2025, plus de 60 % des habitants de la métropole vivent dans une commune “Ville 30”, ce qui fait de Lyon l’un des territoires urbains les plus avancés en France sur ce sujet.

Des résultats indéniables sur la sécurité routière

Selon les chiffres communiqués par la Métropole et la Ville de Lyon :

  • Sur la période 2019–2023, le nombre d’accidents à Lyon a baissé de 36 %,

  • Sur les 24 communes “Ville 30”, la baisse atteint 34 %,

  • Dans les communes non concernées par le dispositif, la baisse n’est que de 19 % sur la même période.

Les premières estimations 2024 – encore en cours de consolidation – annoncent une division par deux du nombre de victimes graves dans les zones à 30 km/h. Dans un contexte national où la sécurité routière reste un enjeu majeur, ces chiffres sont particulièrement marquants.

Mais l’essentiel est ailleurs : ces résultats confirment que la baisse de la vitesse moyenne sur un territoire dense améliore directement la cohabitation entre usagers, en particulier dans des zones de chantiers ou de transformation urbaine.

Un levier d’aménagement urbain structurant

La Ville 30 n’est pas qu’une simple réglementation : elle agit comme un catalyseur d’aménagements urbains.

À Lyon, plusieurs grands axes ont été reconfigurés en cohérence avec ce nouveau paradigme :

  • Route de Genas (travaux BHNS) : de 6 accidents en 2022 à 1 seul en 2024,

  • Avenue Tony Garnier (travaux tram T10) : de 20 accidents en 2019 à 3 en 2024,

  • Rue de la République à Saint-Fons – Vénissieux : de 14 à 3 accidents entre 2019 et 2024.

Ces chantiers intègrent des voies cyclables mieux sécurisées, des traversées piétonnes élargies, des ralentisseurs végétalisés et des requalifications paysagères, autant de travaux confiés à des entreprises du BTP, de la voirie, et de l’urbanisme durable.

Pour les acteurs économiques du secteur (entreprises de travaux publics, cabinets d’urbanisme, bureaux d’études environnementales), ces chantiers représentent un marché en croissance, structuré par des appels d’offres de plus en plus nombreux et exigeants sur le plan environnemental.

Un effet mesurable sur les mobilités douces et les professionnels de la logistique

La Ville 30 favorise la transition vers des modes de déplacement plus doux : piétons, cyclistes, trottinettes… En sécurisant les parcours, elle a renforcé la fréquentation des itinéraires vélos, notamment les “Voies Lyonnaises” en cours de déploiement (12 lignes, 250 km prévus d’ici 2026).

Les professionnels de la cyclologistique (livraison urbaine à vélo cargo, transport de colis ou de repas) ont également vu leur activité facilitée. La réduction de la vitesse générale rend les trajets plus fluides et moins risqués, tout en repositionnant le vélo comme un outil de travail crédible, notamment dans les livraisons du dernier kilomètre.

Des structures comme Fends la Bise, Toutenvélo Lyon ou des plateformes comme Urb-it se sont pleinement intégrées à cette mutation, avec un potentiel de développement soutenu par les politiques publiques.

Une réglementation à faire respecter : la montée en puissance des contrôles

En 2024, 1 800 opérations de contrôle de vitesse ont été menées par la police municipale, pour un total de 1 174 PV dressés et 193 rétentions de permis pour grands excès de vitesse.

Ce volet répressif, souvent impopulaire dans l’opinion publique, est toutefois essentiel pour crédibiliser le dispositif, surtout en période de transition. Il rappelle aussi que la Ville 30 concerne tous les véhicules motorisés, y compris les camions de livraison, les bus, les deux-roues motorisés, et pas seulement les automobilistes.

Pour les entreprises de transport ou les artisans itinérants, cette nouvelle contrainte peut représenter une perte de temps perçue comme pénalisante. Toutefois, la réalité montre que la baisse de vitesse est compensée par une régularité accrue des flux, notamment en heure de pointe, et une diminution des conflits d’usage dans les rues étroites.

Un sujet encore clivant chez certains professionnels

Si les effets sur la sécurité sont largement salués, le dispositif n’est pas exempt de critiques. Certains commerçants ou transporteurs dénoncent :

  • Une perte de productivité pour les livraisons en centre-ville,

  • Une signalisation jugée confuse,

  • Des ralentissements artificiels, en particulier dans les zones où la voirie n’a pas encore été réaménagée.

Pour autant, plusieurs études indépendantes (notamment celle de l’ADEME) confirment que la vitesse moyenne dans les centres urbains denses reste souvent inférieure à 30 km/h, même en l’absence de régulation. L’argument de la “vitesse perdue” apparaît donc de moins en moins tenable, surtout à l’échelle de trajets courts.

Une dynamique qui s’étend au reste de la métropole

La Métropole de Lyon ne compte pas s’arrêter là. En 2025, de nouvelles communes pourraient rejoindre le dispositif, selon les services de Bruno Bernard. Les discussions sont en cours avec plusieurs maires de villes moyennes et de périphérie (Rillieux-la-Pape, Bron, Tassin-la-Demi-Lune…).

Si cette tendance se confirme, le passage à 30 km/h pourrait devenir la norme sur près de 80 % du territoire métropolitain d’ici 2026, accentuant encore la transformation de l’espace urbain lyonnais.

Une question à suivre : quels bénéfices économiques à long terme ?

Il reste toutefois une interrogation essentielle : la Ville 30 est-elle un bon investissement public ? Au-delà de la baisse de l’accidentologie, la question du retour sur investissement global se pose.

Les défenseurs du dispositif mettent en avant :

  • Des économies sur les soins d’urgence et l’hospitalisation,

  • Une réduction du bruit urbain, favorable à la santé publique,

  • Une amélioration de la qualité de l’air et une diminution des émissions,

  • Un effet positif sur la fréquentation des commerces de proximité (via la piétonnisation progressive de certaines rues).

Pour valider ces effets à long terme, il faudra cependant un suivi plus précis des indicateurs économiques et une évaluation indépendante.

Un modèle lyonnais en phase avec la ville du futur

Trois ans après sa mise en place, le dispositif “Ville 30” semble avoir rempli ses objectifs en matière de sécurité et amorce une mutation profonde de l’espace public. Il ouvre la voie à un urbanisme plus apaisé, plus inclusif, mais aussi plus exigeant pour les collectivités, les entreprises et les usagers.

Si son déploiement peut paraître contraignant à court terme pour certains professionnels, il pourrait bien s’imposer comme un socle de la ville durable en Auvergne-Rhône-Alpes, et un modèle suivi de près par d’autres métropoles françaises.