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Comment transmettre son entreprise avec le Pacte Dutreil ?

Vous êtes entrepreneur et vous envisagez déjà l’avenir de votre entreprise. Peut-être souhaitez-vous la transmettre à vos enfants, que ce soit avant une éventuelle cession ou parce qu’ils reprendront directement votre activité. En France, il existe un dispositif fiscal particulièrement avantageux pour accompagner cette étape clé : le Pacte Dutreil. Conçu pour faciliter la transmission des sociétés familiales, il permet de réduire de manière significative les droits de succession ou de donation. Voyons ensemble en quoi consiste ce mécanisme et découvrons, à travers un exemple concret, comment il peut s’appliquer à la transmission d’une entreprise.

Qu’est-ce que le Pacte Dutreil ?

Mis en place par la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, le Pacte Dutreil est un dispositif fiscal de faveur destiné à faciliter la transmission des entreprises familiales. Il permet de réduire considérablement les droits de donation ou de succession lors du passage de relais d’une société ou d’une entreprise individuelle.

Concrètement, il ouvre droit à une exonération de 75 % des droits de mutation (donation ou succession) sur la valeur des titres ou de l’entreprise transmise. Autrement dit, seule une fraction réduite de la valeur transmise est soumise à imposition.

Pourquoi ce dispositif existe-t-il ?

L’objectif est simple : éviter que les héritiers ou les donataires ne soient contraints de vendre l’entreprise familiale uniquement pour payer les droits de mutation. Sans ce dispositif, la facture fiscale peut atteindre 40 à 45 % de la valeur transmise, mettant en péril la pérennité de l’activité. D’où la nécessité de bien appréhender et d’anticiper les conditions du Pacte Dutreil.

Qui peut en bénéficier ?

Le Pacte Dutreil s’applique aux entreprises exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

Il peut concerner aussi bien :

  • les parts ou actions d’une société,
  • les biens professionnels (meubles, immeubles, corporels ou incorporels) d’une entreprise individuelle.

Un dispositif cumulable avec d’autres avantages fiscaux

Le Pacte Dutreil ne fonctionne pas isolément : il peut se combiner avec d’autres mécanismes fiscaux permettant d’alléger encore la transmission, par exemple :

  • les abattements en ligne directe : 100 000 € par parent et par enfant, ou 31 865 € entre un grand-parent et un petit-enfant,
  • la réduction de 50 % des droits de donation si la transmission en pleine propriété intervient avant les 70 ans du donateur,
  • le mécanisme du démembrement (article 669 du CGI), qui réduit l’assiette taxable en fonction de l’âge de l’usufruitier,
  • un abattement spécifique de 300 000 € pour une donation au bénéfice d’un salarié de l’entreprise.

Comment fonctionne le Pacte Dutreil ?

Pour bénéficier de l’exonération de 75 % prévue par le Pacte Dutreil, la transmission des titres doit respecter un certain nombre de conditions, principalement liées à des engagements de conservation et à l’exercice effectif d’une activité dans l’entreprise.

Les engagements de conservation

Le dispositif repose sur deux étapes :

1) L’engagement collectif ou unilatéral

  • Durée minimale : 2 ans, en cours au jour de la transmission.
  • Il peut être signé par plusieurs associés (engagement collectif) ou par un seul depuis 2019 (engagement unilatéral).

Il doit porter sur au moins :

  • 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote pour une société cotée,
  • 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote pour une société non cotée.

2) L’engagement individuel
À la suite de la transmission, chaque héritier, donataire ou légataire s’engage à conserver les titres pendant 4 années supplémentaires.

Cet engagement est personnel : si l’un des bénéficiaires ne le respecte pas, cela ne remet pas en cause l’exonération des autres.

L’exercice d’une fonction de direction

Pendant toute la durée de l’engagement collectif (ou unilatéral) et pendant les trois années suivant la transmission, l’un des signataires ou l’un des bénéficiaires doit :

  • exercer une fonction de direction si la société est soumise à l’impôt sur les sociétés (IS),
  • ou exercer son activité professionnelle principale si la société est soumise à l’impôt sur le revenu (IR).

Parmi les fonctions de direction admises figurent notamment :

  • gérant de SARL,
  • président ou directeur général de SAS,
  • membre du directoire d’une SA.

Il est essentiel que ces fonctions soient réellement exercées.

Le cas particulier du démembrement

Lorsqu’une donation est réalisée avec réserve d’usufruit, il faut veiller à la répartition des droits de vote :

  • Les statuts doivent prévoir que l’usufruitier ne peut voter que sur l’affectation des bénéfices.
  • À défaut, l’administration peut refuser l’exonération, même si toutes les autres conditions sont respectées.

Le cas des holdings et sociétés interposées

Le Pacte Dutreil peut aussi s’appliquer si la transmission concerne non pas directement la société d’exploitation, mais une holding qui détient cette société.

Il existe deux cas à distinguer :

Société interposée (holding passive) :

  • L’engagement peut être souscrit au niveau de la holding, mais les seuils minimaux de détention s’apprécient dans la limite de deux niveaux de sociétés interposées.
  • L’exonération de 75 % est calculée au prorata de la valeur de la société d’exploitation effectivement détenue par la holding.

Holding animatrice :

  • Lorsque la holding joue un rôle actif en animant ses filiales, l’exonération peut s’appliquer sur une base plus large.
  • Dans ce cas, la réduction de 75 % porte sur la valeur globale de la holding, puisqu’elle est considérée comme exerçant une véritable activité économique.

Exceptions au Pacte Dutreil

Certaines situations permettent de bénéficier du régime Dutreil sans engagement collectif classique :

  • Engagement réputé acquis : pour un dirigeant ayant déjà structuré son patrimoine, il suffit que la société ait été détenue et dirigée continuellement pendant au moins 2 ans par le donateur (ou conjoint/partenaire), et que les seuils de détention et de fonction de direction soient respectés.
  • Engagement post mortem : si aucun engagement n’existait au décès, les héritiers peuvent conclure un engagement collectif ou unilatéral dans les 6 mois suivant le décès. La fonction de direction peut alors être exercée par un héritier ou un autre associé, offrant plus de souplesse.

Exemple concret d’application du Pacte Dutreil

Monsieur, fondateur d’une société informatique non cotée (SASU) créée il y a plus de 30 ans, détient 100 % des parts. Souhaitant préparer sa succession et impliquer ses deux enfants déjà actifs dans l’entreprise, il décide de recourir au Pacte Dutreil.

Étape 1 : Engagement collectif
En 2025, Monsieur signe avec ses deux enfants un engagement collectif de conservation portant sur l’intégralité des titres. L’engagement, d’une durée de deux ans, respecte les seuils requis pour une société non cotée (au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote).

Pendant cette période, Monsieur continue d’assurer une fonction de direction effective en tant que Président de la SASU, condition indispensable au maintien du dispositif.

Étape 2 : Transmission aux enfants
En 2027, soit deux ans plus tard, il transmet ses titres à ses enfants en pleine propriété. Ces derniers signent alors un engagement individuel de conservation pour une durée de 4 ans supplémentaires.

La société est alors valorisée à 600 000 €. Grâce à l’exonération de 75 % du Pacte Dutreil, seule une valeur de 150 000 € est retenue comme base taxable.

  • Chaque enfant reçoit donc des titres pour 75 000 € de valeur taxable.
  • Or, l’abattement en ligne directe de 100 000 € par parent et par enfant s’applique.

Ainsi aucun droit de donation n’est dû.

Étape 3 : Poursuite de la direction
Dès la transmission, l’un des enfants reprend une fonction de direction active, garantissant ainsi la continuité des conditions du Pacte Dutreil.

À l’issue des engagements de conservation, les enfants seront libres de disposer de leurs titres (vente, donation, etc.) sans perdre le bénéfice de l’exonération accordée.

Ce qu’il faut retenir

En conclusion, le Pacte Dutreil, créé en 2003, facilite la transmission des entreprises familiales en exonérant 75 % des droits de donation ou de succession. Applicable aux sociétés et entreprises individuelles, il requiert des engagements de conservation des titres (2 ans avant, 4 ans après) et une fonction de direction active. Cumulable avec des abattements, comme celui de 100 000 € par parent et enfant, ce dispositif, souvent méconnu des entrepreneurs, préserve la pérennité des entreprises en réduisant la fiscalité. Ainsi, s’informer via des ressources fiables est crucial pour optimiser la gestion de son patrimoine personnel comme professionnel. D’autant plus que ce dispositif fiscal de faveur connaît des évolutions dans ses règles d’application depuis sa création.