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Réhabiliter : Est-ce toujours si simple ?
Poussées par le décret tertiaire, la volonté de réduire l’empreinte carbone des chantiers et la nouvelle donne politique, rénovations et restructurations ont le vent en poupe à la Part-Dieu. Mais sont-elles toujours possibles ? Et à quels prix ? 

Redonner vie à des bâtiments anciens tout en conservant une partie de leurs matériaux : le procédé est en phase avec l’époque, plus économe, soucieuse de l’empreinte carbone des chantiers. Voici qui répond aussi, par les travaux d’isolation, au décret tertiaire qui oblige tous les immeubles de bureaux à diminuer leur consommation énergétique de 40 % d’ici à 2030.

Une contrainte légale qui rencontre la loi du marché : certains locaux sont tellement mal adaptés – incompatibles avec les nouveaux modes de travail et le confort moderne – qu’ils souffrent de vacance. L’adjoint lyonnais à l’urbanisme, Raphaël Michaud, rappelle la panne de climatisation géante dans le Crayon en juin 2017 : le mercure y était monté, paraît-il, jusqu’à 45 °C. Cinq ans plus tard, une partie de la tour a été complètement rénovée par DCB International…

Enfin, les utilisateurs y voient leur intérêt, avec une baisse de charges : comptez 40 euros/m2 /an dans de l’immobilier ancien, contre 23 ou 25 dans le neuf, selon François Fromont, cofondateur et associé chez City Real Estate.

Vieille Part-Dieu

Ce sujet de la réhabilitation concerne au premier chef la Part-Dieu. D’abord, parce que le quartier est vieillissant. Si la gare et le centre commercial se modernisent, beaucoup d’actifs environnants devraient aussi y songer. Selon Laurent Vallas, directeur de JLL Lyon, les deux tiers du parc immobilier datent d’avant les années 2000. Depuis la première, Lugdunum, en 2012, plusieurs opérations emblématiques ont eu lieu, tel Silex2 , réincarnation de l’ex-tour EDF.

L’expert recense dix-sept projets de plus de 5000  m2 à l’horizon 2026  : “Cinq sont des démolitions-reconstructions, une seule une construction (la Cité administrative) et onze des restructurations.” Il voit arriver de futurs programmes de réhabilitation comme les locaux d’Axa (angle Lafayette/ Thiers), d’Aviva ou le Primat (rue Garibaldi).

Le terrain de jeu est encore vaste, tant d’autres immeubles attendent de retrouver jeunesse, à l’instar du siège de la Métropole, de la tour Suisse ou de nombre de bureaux rue de la Villette et rue de Bonnel, comme l’identifie François Fromont.

Différentiel neuf / seconde main

Si la Part-Dieu est favorable à des projets ambitieux de requalification, c’est aussi en raison de l’absence de foncier disponible et de sa cote élevée. De vraies restructurations ne sont en effet possibles que si elles génèrent suffisamment de valeur – donc une hausse des loyers. “Il faut donc une différence significative entre la seconde main et le neuf”, souligne Laurent Vallas.

Cette différence est particulièrement forte à la Part-Dieu, entre une moyenne de 160 euros/m2 /an pour des locaux datés et de 330 euros pour des locaux primes. À Gerland, ce delta est moins net (de 140 à 230 euros), ce qui autoriserait plus des rénovations thermiques. Selon Frédéric Prenot, codirigeant de Sorovim, le décret tertiaire va amplifier ce différentiel, en dépréciant les actifs mal isolés. De fait, une belle rentabilité peut être au rendez-vous, au point que des fonds value-added se positionnent, notamment à Paris. Peuvent-ils débarquer à Lyon, dans le quartier d’affaires ?

À Lyon, ces opérations sont conduites par des promoteurs, voire des marchands de biens. L’équation financière n’est cependant pas toujours favorable. D’abord, parce que certains immeubles ne sont pas “réhabilitables”. “Souvent le noyau représente les deux tiers des surfaces”, observe Raphaël Michaud. La “tourette” de la Caisse d’Épargne sera ainsi rasée, et remplacée par une architecture franco-japonaise érigée par Pitch Immo.

La cité des finances publiques, percluse d’amiante, sera démolie, tout comme M+M, rue Garibaldi, reconstruit (M Lyon) par DCB International. Dans d’autres cas, c’est la hauteur sous plafond de 2,50 m qui freine, quand les standards actuels tendent vers 2,70 m. Ce qui refroidit le plus les promoteurs, c’est l’imprévu, donc le risque. “Tant que l’immeuble n’est pas entièrement curé, on n’est pas à l’abri de mauvaises surprises”, raconte le directeur général de 6e Sens, Romain Valery.

Exemples : la découverte de planchers fragiles, de fondations à conforter, et surtout d’amiante. Le promoteur confie que ses plans de financement intègrent une marge de sécurité de 5 % pour les requalifications, contre 2 % dans le neuf (même s’il admet que le neuf peut aussi réserver ses surprises, comme quand il apprend qu’un terrain doit être dépollué).

Plus cher de réhabiliter ?

Au final, est-ce plus cher de composer avec l’existant que de démolir et reconstruire ? Beaucoup de professionnels l’affirment, comme le président de la Fnaim Entreprises. “Cela coûte soit le même prix soit un peu plus cher. Dans une réhabilitation, on garde la structure. Mais ce n’est pas ce qu’il y a de plus cher dans un bâtiment”, réfléchit Igor Fedoriw, directeur délégué chez Sogelym Dixence.

Pour lui, c’est surtout le PLU-H qui peut orienter le promoteur vers une démolition-reconstruction : “Si on a la possibilité de faire plus de mètres carrés.” La conservation de certains édifices s’impose parfois, comme pour New Age, l’ex-siège des PTT érigé par un Grand Prix de Rome, André Chatelin (à l’angle Vivier-Merle/Gambetta), que nul n’imaginait raser.

Romain Valery compare deux opérations tertiaires exigeantes menées récemment à Lyon, l’une en rénovation, l’autre en promotion neuve. Il parvient au même chiffre : 1700 euros le mètre carré. “La réhabilitation est moins chère que la démolition-reconstruction. Et il n’y a pas photo”, tranche même Éric Condemine, directeur développement de PRD Office, pour qui “la démolition, c’est de la destruction de valeur”. Il évalue le différentiel de prix à 20 % “sans tenir compte du coût de la démolition” – un raisonnement qui ne vaut que pour les immeubles Code du travail (hors IGH).

Le promoteur, qui cite en exemple son opération Corner (angle Vivier-Merle/Félix-Faure), invite à prendre en compte un autre critère  : le temps – qui comme chacun sait… est de l’argent. Démolir et rebâtir le gros œuvre prend un peu plus d’un an, quand réhabiliter peut commencer quasi instantanément. D’autres opérateurs vont dans son sens, ajoutant que les normes thermiques sont moins exigeantes dans l’ancien rénové que dans le neuf, d’où des investissements moindres.

Réhabiliter et restructurer

Parle-t-on cependant bien de la même chose ? Rénover ou isoler n’est pas restructurer ou réarchitecturer. Et intervenir sur un bâti ancien perclus d’amiante est autrement plus difficile que de remettre au goût du jour un actif d’une vingtaine d’années (c’était l’âge du Corner, où aucun amiante n’a été découvert). Florence Dourdet-Franzoni, directrice de l’immobilier chez Unofi, illustre ce questionnement en évoquant les travaux entrepris dans l’Étoile Part-Dieu (avenue Thiers) après le départ de Solvay. Propriétaire des lieux, elle avait envisagé “une restructuration très lourde”.

Mais la rentabilité n’était pas suffisante pour les 30000 porteurs de la SCPI Notapierre qui en auraient tiré bénéfice. D’où une “micro-restructuration”. Faux planchers et fenêtres ont été finalement gardés et la façade est inchangée. Le chantier s’est concentré sur les espaces intérieurs, décloisonnés, et l’implantation d’un socle actif. L’isolation a également été améliorée, la climatisation reprise, les ascenseurs ont été remplacés. Bilan financier : seulement 787 euros/m2 . Mais, pour une opération un peu plus ancienne, le 107  Servient, également racheté par Unofi, il avait fallu débourser 1800 euros/m2 .

Un autre chiffrage est donné par le directeur général de Promoval, Régis Fouque, qui convoque une nouvelle opération menée 120 avenue Jean-Jaurès (Lyon 7e ), dans les anciens bureaux de Sonepar. Une réhabilitation lourde est menée conduisant à reprendre, par exemple, le noyau central tandis que deux agrandissements en bois seront réalisés (une surélévation d’un étage et demi et une extension latérale de quatre étages). La partie rénovation a coûté 1500 à 1600 euros/m2 , la neuve 2000/m2 .

Créer des droits à bâtir

Pour une réarchitecture ambitieuse, il est devenu courant de lui associer une extension neuve. Un modèle  : Silex2 . L’ex-tour EDF disposait de plateaux trop petits pour répondre aux standards du marché. Pour augmenter ces surfaces, Covivio lui a adjoint une nouvelle construction. Sogelym Dixence fait de même avec New Age (13000  m2 ), qui se voit flanquer deux érections neuves (6000 m2 ). “L’extension était nécessaire pour rentabiliser l’opération. Sans cela, elle n’avait pas d’équilibre économique”, assure Igor Fedoriw.

Il en ira de même pour Odessa, reconfiguration de l’ancien siège de RTE (rue des Cuirassiers) menée par Sogeprom et Icade. Les promoteurs ont obtenu de la collectivité de nouveaux droits à bâtir, moyennant la renaturation des anciens parkings et la création d’habitations, conformément à la volonté de l’exécutif de construire du logement dans le quartier d’affaires.

Malmenés par des élus peu favorables à l’immobilier tertiaire – qui plus est à la Part-Dieu – les promoteurs voient dans ces opérations de requalification un moyen de susciter l’adhésion politique à leurs projets.

 


 

NOUVEAU LYON

Edition #59 Juillet 2022

 

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