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La fédération Federrec : moteur discret mais essentiel

Les chiffres, les enjeux, les défis… tout ce qu’il faut savoir sur la filière du recyclage en France en cette année 2024. Entre promesses d’un avenir plus vert et réalités du terrain, les acteurs du secteur tentent de faire avancer leur cause face à un contexte réglementaire complexe et des marchés en mutation. La Fédération des entreprises du recyclage, du réemploi et de l’économie circulaire (Federrec), qui rassemble environ 1 200 sociétés sur tout le territoire, joue un rôle clé dans cette dynamique. Retour sur les principaux points à connaître pour mieux appréhender cette filière stratégique.

La fédération Federrec : moteur discret mais essentiel

La Federrec représente un réseau d’entreprises engagées dans la collecte, le tri et la transformation des déchets afin d’alimenter l’industrie en matières recyclées. Ces acteurs sont à la fois innovants, investis et souvent silencieux, mais leur impact est considérable. Lors d’une récente présentation à Lyon, François Excoffier, son président, a souligné que l’économie circulaire n’était pas qu’un slogan : derrière, il y a des femmes et des hommes qui investissent leurs compétences et leur énergie dans une filière en pleine mutation.

Pour lui, le recyclage doit devenir un pilier de la réindustrialisation française. Son rôle dépasse la simple gestion des déchets : il s’agit d’un levier pour relancer l’industrie locale, créer des emplois et réduire l’empreinte carbone du pays. La fédération insiste aussi sur l’importance de valoriser les déchets pour transformer la matière en véritable ressource pour l’économie.

Des filières à des rythmes très différents

Le secteur du recyclage n’est pas homogène. Certaines filières avancent rapidement, d’autres peinent à suivre le rythme, notamment en raison de défis technologiques ou réglementaires. Focus sur les principales filières et leurs enjeux en 2024.

Les métaux : un retard à combler pour une industrie plus verte

Les métaux, notamment l’acier, occupent une place centrale dans le recyclage industriel. En 2024, plus de 11 millions de tonnes d’acier ont été collectées, dont 10,4 millions ont été valorisées. Pourtant, la France accuse un retard conséquent par rapport à d’autres pays comme les États-Unis, où 75 % des aciers proviennent du recyclage. En France, cette proportion plafonne à 30 %, ce qui limite l’impact environnemental et industriel du secteur.

Olivier Le Fichoux, président de la filière Métaux, insiste sur l’urgence de rattraper ce retard. Le recyclage de l’acier permettrait de réduire significativement les émissions de CO₂, puisqu’un acier recyclé émet quatre fois moins de gaz à effet de serre qu’un acier produit à partir de minerai. La valorisation des métaux non ferreux, comme le cuivre ou l’aluminium, progresse également. Selon Thierry Cochet, responsable de cette filière, les progrès technologiques permettent désormais d’isoler des alliages complexes, ce qui était impensable il y a encore quelques années. Ces avancées facilitent la récupération de matériaux précieux et contribuent à diminuer l’exploitation minière.

Des filières à des rythmes très différents

Plastiques : une filière sous surveillance, mais en difficulté

Les plastiques restent une filière très scrutée dans le cadre de l’économie circulaire. En 2024, la collecte a connu une légère hausse (+1,9 %), atteignant environ un million de tonnes, mais la situation reste fragile. La filière est soumise à une instabilité structurelle, notamment liée à l’absence de règles claires concernant le taux de recyclé à intégrer dans les nouveaux emballages.

Sophie Sicard, présidente de la commission innovation, reste optimiste face à la nouvelle réglementation européenne qui pourrait poser des jalons plus précis. Elle évoque une étape importante pour définir des standards et booster la filière. La mise en place de nouvelles normes pourrait favoriser la création d’un marché plus stable pour les matières plastiques recyclées et encourager l’innovation dans la conception des emballages durables.

Le bois, une réussite en matière de réemploi

Depuis plusieurs années, le bois se distingue par ses performances en matière de réemploi. En 2024, la collecte a augmenté de 4,7 %, témoignant d’un engouement croissant pour cette matière renouvelable. La filière est aujourd’hui considérée comme l’une des plus performantes, notamment grâce à la réutilisation massive des palettes : on estime à 90 millions le nombre de palettes reconditionnées chaque année.

Martial Gébillard, expert en valorisation du bois, explique que cette matière est particulièrement adaptée à la circularité. Elle peut être coupée, transformée, réutilisée ou valorisée en énergie, sans perdre ses qualités. La filière a réussi à créer un véritable modèle économique et environnemental, très ancré dans les territoires, qui démontre la complémentarité entre réemploi et recyclage.

Le papier et le carton : un secteur en mutation

Malgré sa stabilité historique, la filière papier-carton connaît un recul en 2024, avec une baisse de 5,5 % des volumes collectés. Si cette filière demeure un pilier du recyclage français, cette tendance invite à repenser la production et la consommation. Stéphane Pannou souligne que ce secteur, souvent discret, est en réalité une véritable colonne vertébrale de l’économie circulaire. La baisse observée doit inciter à produire de manière plus responsable et à consommer avec plus de modération.

Le verre, un modèle à suivre pour sa stabilité

Avec 2,58 millions de tonnes collectées et valorisées, la filière verre affiche une stabilité remarquable. Simon Treuby, président de Federrec verre, insiste sur le fait que cette filière bénéficie d’une tradition solide. Le verre est une matière locale qui peut être recyclée indéfiniment, sans perte de qualité. Son cycle court, du collecte au refondu, en fait un exemple à suivre pour d’autres matériaux.

Le textile, un secteur en retard mais porteur

La filière textile demeure fragile, mais affiche tout de même une hausse de 8 % de la collecte en 2024, avec près de 300 000 tonnes. Pierre Duponchel, président de Federrec Textiles, souligne que cette filière pourrait devenir un véritable levier environnemental et social, si elle bénéficiait d’un soutien financier plus structuré. La multiplication des initiatives et la volonté d’améliorer le tri pourraient transformer le textile en un secteur modèle de l’économie circulaire.

Pour cela, l’investissement dans le tri et la valorisation des vêtements, couplé à une meilleure reconnaissance des acteurs, est essentiel. Selon lui, une revalorisation du soutien financier pourrait faire toute la différence : avec seulement 1,2 centime par vêtement, tout le secteur pourrait bénéficier d’un coup de pouce concret, vital pour sa pérennité.

Les défis réglementaires : entre complexité et nécessité

Malgré des avancées encourageantes, la filière du recyclage doit faire face à un environnement réglementaire de plus en plus dense. François Excoffier rappelle que la multiplication des normes européennes, comme la loi AGEC ou la future réglementation sur les exportations de déchets, peut représenter un véritable casse-tête pour les acteurs du secteur.

Une inquiétude particulière concerne la récente proposition de la Commission européenne d’imposer des droits de douane de 50 % sur les importations d’acier dépassant un quota réduit de moitié. Si cette mesure vise à protéger l’industrie sidérurgique européenne, elle pourrait néanmoins devenir un obstacle pour la filière du recyclage, en limitant les exportations de ferrailles essentielles pour alimenter les marchés locaux. La crainte est que la réglementation devienne un frein plutôt qu’un levier. Selon François Excoffier : “Il vaut mieux encourager la vente à l’étranger quand la demande locale est saturée, plutôt que d’étouffer la filière avec des taxes excessives.”

Une nouvelle étape pour la gestion des aimants et batteries

Enfin, en matière d’innovation, la région Auvergne-Rhône-Alpes s’apprête à accueillir un centre de traitement des aimants et batteries, annoncé lors du salon Pollutec. Soutenu par Corepile et plusieurs partenaires locaux, ce site a pour objectif de collecter, trier et valoriser ces composants essentiels dans les véhicules, appareils électroménagers et autres équipements technologiques.

François Excoffier précise que ce centre ambitionne de récupérer jusqu’à 500 tonnes d’aimants par an, contre seulement 50 aujourd’hui. La mise en place de cette infrastructure est une étape majeure pour structurer une filière française du recyclage des aimants, qui joue un rôle crucial dans la transition vers une industrie plus durable. La détection et le tri de ces composants innovants contribueront à limiter l’exploitation minière et à favoriser la circularité des matières rares.

Le secteur du recyclage, malgré ses défis, semble donc en mouvement et prêt à relever les nombreux enjeux qui l’attendent. La volonté d’un secteur plus vert, plus innovant et plus accessible à tous passe par une régulation équilibrée, des investissements ciblés et une volonté collective de faire de l’économie circulaire une véritable force motrice pour la France.