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La 3ème étoile supprimée : l’empire Bocuse ébranlé

Un « séisme », un « coup de tonnerre » ou encore « un tremblement de terre » : éclipsant le conflit sur les retraites, les médias qui se sont largement emparé de l’affaire ont joué des qualificatifs les plus évocateurs pour parler de la suppression annoncée de la 3ème étoile de l’Auberge Bocuse à Collonges-au-Mont d’or.

Annoncée, car il ne s’agit là que d’une décision officieuse présentée préalablement il est vrai par avance aux salariés de l’Auberge par Gwendal Poullennec, le directeur monde du Guide Rouge, comme pour amoindrir la déflagration.

Il s’agissait également sans doute de le faire savoir bien avant pour ne pas occulter le reste des étoilés lors du lancement de l’édition 2020 : la décision du Guide Rouge ne sera officielle que le 27 janvier, lors de sa présentation au Pavillon Gabriel, à Paris.

Peu avant Jean-François Mesplède, journaliste lyonnais qui fut un ancien directeur du Guide Michelin avait bien tenté d’ouvrir un contre-feu en proposant une étoile d’or à vie à l’Auberge de Collonges. Las !

Les efforts de modernisation engagés depuis près d’un an à l’Auberge de Collonges : « La tradition en mouvement »-quenelle plus légère par exemple, accompagnée d’une sauce au champagne- comme l’avait défini l’équipe dirigeants de l’Auberge, n’ont pas suffi à convaincre les inspecteurs du Michelin.

En tout cas, cette décision est de taille car elle met fin à 55 ans de trois étoiles : depuis 1965 !

Mais elle risque de casser une forte image sur laquelle s’appuie l’empire économique du groupe Bocuse sur lequel le soleil ne se couche jamais.

L’image écornée

Ledit Groupe qui repose sur le Temple d’or de Collonges, c’est en effet pas moins d’une vingtaine d’établissements à Lyon, Paris et dans le monde et bien sûr le plus gros concours international opposant des chefs du monde entier, le « Bocuse d’or ».

S’appuyer désormais sur un « banal » deux étoiles risque bien d’écorner l’image d’exception qui collait au nom de Bocuse.
Le problème de fond pour ce restaurant était qu’il était figé dans l’histoire, plus guère créatif et était devenu un musée de la gastronomie.

C’est ce qu’a voulu sanctionner le Guide Rouge qui après s’être attaqué à Marc Veyrat, signifie de la sorte qu’il n’existe pour lui aucune forteresse inexpugnable. Aucune star de la gastronomie n’est donc désormais à l’abri. Le monde des trois fois étoilés peut trembler.

Le Guide Rouge désormais fort concurrencé sur les réseaux sociaux et notamment TripAdvisor a en effet choisi la voie de la transgression pour retrouver son piédestal. Et manifestement ça marche puisque la moindre perte d’une étoile sur trois devient un événement national, voire international.

L’opacité des décisions des inspecteurs du Michelin

Il y a tout de même une fragilité dans cette stratégie, celle qu’a voulu exploiter Marc Veyrat en faisant un procès au Guide Rouge, celle de l’opacité des décisions prises par les inspecteurs du Michelin.

On connaît leur fonctionnement : des inspecteurs anonymes se rendent dans les restaurants et les notent ; et ce à travers une fiche technique dotée de cinq critères : la qualité des ingrédients, la maîtrise des cuissons, l’harmonie et l’équilibre des saveurs ; la constance dans le temps ; la personnalité du chef et sa capacité à s’exprimer dans ses plats, en l’occurrence, donc, sa créativité.

Une journaliste du journal « Le Monde » qui avait accompagné un inspecteur pendant deux jours a ainsi mis le doigt sur cette lacune.

Au bilan, écrivait-elle, « A la lecture de son rapport, il est clair que Tom (ndlr, le prénom de son inspecteur) a apprécié le restaurant, mais impossible de deviner quelle distinction il va lui attribuer. »

S’il veut retrouver toute son aura, et une autorité incontestable et donc incontestée, le Guide Rouge devra se rénover-lui aussi-en jouant la carte de la transparence…