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Août 1981 : IBM commercialise le premier PC

Novembre 2004 : IBM cède sa division PC au chinois Lenovo, tout en conservant un partenariat privilégié avec celui qui est aujourd’hui le numéro 3 mondial des PC

Février 2005 : Carly Fiorina, PDG de Hewlett-Packard (HP), est débarqué par son conseil d’administration, en raison notamment de l’échec latent de la fusion opérée avec Compaq et de la stagnation de la division PC du groupe, malgré sa seconde place mondiale.

Cette énumération peut être interprétée comme un raccourci de l’historique du secteur des micros ordinateurs, qui a vu progressivement l’activité « construction » perdre une grande partie de son importance et surtout de son pouvoir d’obtention de marges. Sous l’effet d’une banalisation technologique et d’une concurrence accrue, le contrôle de la chaîne de valeur créée s’est déplacé vers les services offerts aux utilisateurs, notamment professionnels, domaine où IBM réalisera désormais 70% de son chiffre d’affaires. La stratégie de HP consistant à jouer de la taille et des économies d’échelle pour enrayer ce ralentissement s’est heurtée à l’impossibilité de concurrencer sur le seul terrain des coûts les nouveaux pays producteurs (notamment la Chine).

La stratégie de désengagement d’IBM et l’échec de HP pourraient consacrer l’hypothèse de la désindustrialisation incontournable des pays occidentaux. Cependant, ce constat comporte une faille : le numéro 1 absolu du secteur n’est autre qu’une firme américaine, Dell, qui plutôt que de produire, assemble ses PC au sein de ses propres usines, en s’appuyant sur un réseau de fournisseurs très efficace. Il est donc possible d’obtenir des marges sur une activité purement industrielle, mais cela implique de délaisser les déterminants traditionnels de l’efficacité productive (effet de taille, effort en coût) et de construire d’autres avantages compétitifs. Dans le cas de Dell, ces avantages forment en fait un réel modèle, déjà labellisé comme le « Dellisme », qui s’appuie notamment sur la flexibilité de la production et des coûts (grâce à l’absence de stocks) et sur une capacité d’adaptation quasi-instantanée à la demande (via la configuration en ligne des modèles).

La concurrence ne se réduit pas à une simple comparaison de coûts, elle consiste surtout en une aptitude à proposer des prestations susceptibles de répondre mieux que ses concurrents à une demande. Si cette définition peut paraître triviale, elle contient en ses termes la pluralité des stratégies possibles.

La stratégie de Dell a consisté à répondre de manière plus efficace à la demande « traditionnelle » en équipements de base (PC). Pour cela, l’entreprise a réorganisé ses méthodes de production afin de combiner dans une nouvelle division du travail les gains de spécialisation (réseau de fournisseurs spécialisés) et les avantages d’un large marché (économies d’échelle, d’assemblage, pouvoir de pression sur les fournisseurs).

IBM, pour sa part, a préféré se concentrer sur la réponse à un nouveau type de demande en investissant le segment des services associés au produit de base de l’industrie. Il est à noter cependant que cette migration vers les services n’exonère pas IBM de conserver un ensemble de compétences et de liens au sein du segment « construction de PC » : la complémentarité des deux activités rendrait illusoire une compétitivité dans les services en l’absence d’une coordination avec le support technologique que reste l’équipement hardware (le PC lui-même).

Si la concurrence au sein de l’industrie informatique a poussé les entreprises à reconfigurer avec plus ou moins de bonheur leurs stratégies, elle se nourrit aussi de la montée en puissance de nouveaux acteurs. A ce titre, la soudaine croissance de Lenovo pose la question du devenir des constructeurs chinois de PC, qui profitent d’un marché local en pleine expansion et devraient ainsi finir par investir d’autres segments de l’industrie, obligeant les entreprises aujourd’hui leaders à assurer le renouvellement de leur offre.