Les relocalisations, espoir ou mirage ?
La symbolique joue en politique un rôle important. Nicolas Sarkozy s’est ainsi rendu mardi 13 décembre en Haute-Savoie pour focaliser l’attention sur une relocalisation réussie, celle des skis Rossignol.
En octobre 2010, l’équipementier annonçait qu’il relocalisait la reproduction de 60 000 paires de ski juniors produites par un sous-traitant taïwanais, afin de renforcer son site de Sallanches qui tournait au ralenti.
Une relocalisation partielle observée par beaucoup à la loupe. Pour Bruno Cercley, Pdg de Rossignol, l’opération retour en France a été une réussite. Pour ce dernier, elle a permis au fabricant de skis de gagner en « réactivité » et en « flexibilité » avec des centres de production au plus près des marchés du ski.
Mieux, le fabricant de skis a récemment annoncé qu’après cette premier phase réussie, il allait investir 10 millions d’euros dans la modernisation de ses usines françaises et espagnoles.
L’investissement sera réparti à égalité entre l’usine de fabrication de skis d’Artès en Catalogne et de Sallanches. Dans cette dernière usine, la moitié de l’outil de production sera revu, avec l’installation de vingt-huit machines de dernière génération.
C’est donc cette belle histoire que Nicolas Sarkozy a voulu narrer à la France. Mais ne s’agit-il pas là d’un exemple isolé qui pèse peu face aux difficultés que rencontrent un certain nombre d’entreprises industrielles en Rhône-Alpes, telles que Photowatt en Isère, Lejaby ou Veninov dans le Rhône ?
On sait que le gouvernement a créé une structure destinée à accompagner les entreprises désireuses de se relocaliser.
Cette volonté de retour du made in France fait-il recette ? Lundi 12 décembre, Eric Besson, le ministre délégué à l’Industrie, a fait un point d’étape sur cette aide à la réindustrialisation mise en place mi-2010 dans la foulée des états généraux de l’industrie.
Doté de 200 millions sous forme d’avances remboursables sur trois ans, ce dispositif s’adresse aux PME et ETI s’engageant à un investissement d’au moins 5 millions d’euros et à la création de 25 emplois.
« Ce nouvel outil monte en puissance », a estimé Eric Besson, annonçant huit nouvelles aides. Au total, depuis sa mise en place, vingt sociétés ont obtenu une avance remboursable pour un total de 77 millions d’euros.
Les vingt projets soutenus sont censés générer 344 millions d’euros d’investissements et 1 525 emplois d’ici trois ans. Or, initialement, l’enveloppe globale devait soutenir la réalisation de 400 millions d’euros d’investissements et la création de 2 000 emplois, un objectif « pas très ambitieux » de l’aveu même du ministre.
Il faut ajouter que sur les vingt projets retenus, seuls cinq se rapportent directement à un choix de relocalisation dans l’Hexagone. Les autres visent d’avantage à renforcer un ancrage déjà existant. « L’aide s’inscrit aussi dans une logique de prévention des délocalisations », reconnaît-t-on à Bercy.
En réalité, le phénomène de relocalisation apparaît bien timide. Pourtant, avant même la crise de la dette, on avait pu constater au cours du premier semestre 2011, et ce, pour la première fois depuis dix ans, une augmentation de l’emploi industriel en Rhône-Alpes. Cette embellie a été malheureusement de courte durée et désormais, la tendance est repartie à la baisse.
Le phénomène ne pourra s’accentuer que lorsque l’usine du monde, en l’occurrrence la Chine, aura fait évoluer son modèle, abandonnant l’exportation à tout crin pour un développement de sa consommation intérieure. Le phénomène est, il est vrai, déjà enclenché. Les salaires augmentent de 15 % l’an, ceux des cadres de haut niveau sont désormais très proches de ceux de l’Europe, le yuan s’apprécie à petits pas. Mais le processus prendra des années.
Les relocalisations ne sont donc pas tout à fait un mirage. Il y en aura d’autres, correspondant à des situations bien précises, mais il ne faudra pas en attendre de miracles.
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