Lyon : pour quatre salariés sur cinq, le lieu de résidence est dissocié du lieu de travail

En 2019, l’aire d’attraction de la ville de Lyon comptait 918 000 salariés répartis dans près de 70 000 établissements. Pourtant, ces emplois se concentrent de manière très inégale sur le territoire : 70 % d’entre eux sont regroupés dans seulement 39 zones, appelées zones de concentration de salariés (ZCS), qui ne représentent qu’un dixième de la superficie totale.
Malgré cette concentration, seul un emploi sur cinq est occupé par un salarié résidant dans la zone concernée. Ce faible « taux de stabilité » met en lumière la dépendance de la majorité des ZCS à une main-d’œuvre extérieure, et révèle une inadéquation persistante entre emploi local et population résidente.
Cinq profils de territoires selon l’autonomie en emploi
L’analyse distingue cinq grands groupes de ZCS selon leur niveau d’autonomie en main-d’œuvre :
- Groupe 1 – ZCS lyonnaises : Ces dix zones situées à Lyon intra-muros affichent les taux de stabilité les plus élevés (jusqu’à 41 % à la Croix-Rousse). Leur performance est liée à une forte densité d’emplois et de population, une offre de transports développée et la présence de grands équipements, comme les centres hospitaliers de Grange-Blanche ou de la Croix-Rousse.
- Groupe 2 – ZCS autonomes : À Villefranche-sur-Saône, Vienne, Bourgoin-Jallieu-L’Isle-d’Abeau ou Tignieu-Jameyzieu-Pont-de-Chéruy, plus d’un tiers des emplois est pourvu par des résidents locaux. Ces territoires secondaires de l’AAV bénéficient d’un équilibre entre offre d’emploi et profil des habitants, notamment pour les postes d’employés.
- Groupe 3 – ZCS au potentiel non exploité : Bien que le nombre de salariés résidants y soit suffisant, ces douze zones, comme Givors ou Saint-Priest nord-est, peinent à recruter localement. Le taux de stabilité y descend jusqu’à 5 %, en dépit d’une concordance sectorielle parfois avérée.
- Groupe 4 – ZCS aux profils éloignés : Dans ces six zones, parmi lesquelles Corbas, Mions ou Brignais-Chaponost, le type d’emplois proposés (principalement des postes d’ouvriers qualifiés à temps plein) ne correspond pas au profil socioprofessionnel des habitants. À Corbas, par exemple, seulement 3 % des emplois sont occupés par des résidents de la zone.
- Groupe 5 – ZCS d’activité : Ces sept zones, comme Saint-Exupéry, Saint-Vulbas ou Chassieu, concentrent des fonctions économiques stratégiques (aéroport, sites industriels, parc d’exposition), mais très peu d’habitants. Le taux de stabilité y chute à 7 %, en raison d’une forte spécialisation économique ou d’une population vieillissante, comme à Écully ou Marcy-l’Étoile.
Des enjeux structurants pour la région lyonnaise
La faible adéquation entre les lieux d’emploi et de résidence dans l’agglomération interroge sur les conditions de mobilité et les équilibres territoriaux. Dans certains cas, comme à L’Isle-d’Abeau, une planification urbaine ambitieuse a permis de rapprocher emploi et logement, avec des résultats partiels : l’emploi y a été multiplié par 16 entre 1975 et 2021, mais la population seulement par 6.
Au-delà des disparités, cette photographie de l’emploi souligne la nécessité d’un réajustement global : mieux répartir les emplois sur le territoire, rapprocher les salariés de leur lieu de travail et adapter les politiques de transport et de logement. Le développement des mobilités alternatives, la création de logements autour des pôles d’activité, ou encore la diversification des profils d’emploi peuvent constituer des leviers d’action à moyen terme.
Un défi de gouvernance économique et territoriale
Avec 2,3 millions d’habitants, l’aire d’attraction de Lyon forme une entité cohérente, mais encore déséquilibrée dans sa structuration emploi-habitat. Pour les entreprises, ces données sont précieuses : elles permettent d’anticiper les zones de tension en recrutement, d’adapter les stratégies RH ou encore de participer à des démarches collectives pour fluidifier l’accès à l’emploi local.
Pour les collectivités et acteurs du développement économique, cette étude alimente une réflexion indispensable sur l’aménagement du territoire à l’échelle métropolitaine. Réduire la distance entre emploi et logement ne relève pas seulement de l’urbanisme : c’est une condition pour construire une économie locale plus durable, plus inclusive, et mieux ancrée dans ses bassins de vie.