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Biogaz : près d’une centaine de sites de méthanisation devraient voir le jour en Auvergne-Rhône-Alpes d’ici 2023

Les débuts ont été lents, mais depuis près de deux ans, l’accélération est patente. Déjà une quinzaine de site de méthanisation produisant du biogaz à partir de déchets agricoles ou issus de station d’épuration ont vu le jour dans la région. Actuellement près d’une centaine de projets sont dans les tuyaux. Une filière biogaz à l’énorme potentiel est en train de naître. Interview de Didier Saussier, président de l’association française du gaz, Auvergne-Rhône-Alpes qui fédère tous les acteurs du gaz classique et du biogaz.

En matière d’énergies renouvelables, on parle beaucoup de photovoltaïque, d’éolien, mais peu du biogaz. La filière a-t-elle de la peine à émerger ?

Didier Saussier- En fait, cela fait près de cinq ans que le secteur se développe. D’abord lentement, mais avec une véritable accélération depuis deux ans. Ainsi une quinzaine de sites de méthanisation ont déjà vu le jour en Auvergne-Rhône-Alpes, soit utilisant les boues des stations d’épuration, soit les déchets verts de l’agriculture. Mais surtout, il existe un millier de projets en France dont la très grande majorité devrait voir le jour d’ici 2023. Et dans cet ensemble on en recense près d’une centaine dans la région.

C’est une belle réussite, à telle enseigne que le gouvernement qui accompagne le mouvement en proposant pour 15 ans un prix fixe pour le biogaz réinjecté dans les réseaux, tend désormais à freiner les investissements pour des questions de financement…

Cette centaine de projets de sites de méthanisation en Auvergne-Rhône-Alpes ont-ils tous des chances d’aboutir ?

Une très grande majorité, très probablement. Le gouvernement est en train de revoir ses aides au biogaz, mais cette centaine de dossiers au niveau régional et ce millier au niveau national sont dans les clous et vont bénéficier de l’aide encore en cours. Cela signifie que pour les collectivités qui sont à l’origine des projets ou des agriculteurs, la rentabilité de leur projet est assurée.

Pour les projets à venir, l’accompagnement en matière de prix fixes du biogaz est encore flou.

Et ce, pourtant, alors qu’un site de méthanisation représente tout-de-même un lourd investissement pour un agriculteur ou une collectivité ?

Oui, ce coût est variable selon les projets. Les petits projets de sites démarrent à quelques millions d’euros, 4, 5 ou 6 millions. Cela peut monter à plusieurs dizaines de millions d’euros pour les plus importants.

Ne constate-t-on pas cependant de freins de la part des riverains, comme pour l’éolien : par crainte des odeurs, des va-et-vient de poids-lourds transportant des déchets, etc. ?

Il faut d’abord dire qu’un site est conçu pour ne pas produire d’odeurs. Il faut ensuite relativiser le passage des camions ou de tracteurs. Un site ne consomme que de 10 000 à 20 000 tonnes par an, c’est tout. Il n’y a pas derrière une armada de camions.

Il y a eu tout-de-même des oppositions à de tels sites de méthanisation, non ?

Oui, parce que les dossiers étaient mal préparés, que les élus et les riverains n’étaient pas dès le début mis dans la boucle, que le site avait été mal choisi. Cela demande de la pédagogie, des explications. Mais lorsque les créateurs de tels sites accompagnent bien leur projet, tout se passe bien en général.

Quels avantages peut-on mettre en avant ?

Outre la création d’emplois et de nouvelles ressources pour les agriculteurs, les sites de méthanisation permettent la mise en œuvre d’un cycle plus vertueux. Le digestat produit par les sites est utilisable comme engrais, ce qui permet de faire beaucoup moins appel aux engrais chimiques.

Cela permet de développer l’économie circulaire cela joue en faveur de la transition climatique.

Dans une étude qui avait fait grand bruit, l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a démontré que l’on pouvait à terme en France se passer du gaz importé et que l’on pouvait produire la totalité du gaz français avec du biogaz. Cela vous paraît-il crédible ?

Oui. Il existe en effet trois sources de biogaz.

Celui issu donc des sites de méthanisation, soit à l’initiative de l’agriculture ou des collectivités. On estime que le potentiel est de 5 à 10 000 sites en France. Cela permettrait de produire près du tiers du gaz actuellement consommé dans l’Hexagone. Actuellement, le biogaz injecté dans le réseau représente à peine 1 % du gaz que nous consommons.

La deuxième source serait constituée par une autre filière qui est notamment testée dans la vallée de la chimie lyonnaise avec le prototype Gaïa. Il s’agit d’extraire du gaz du bois en le chauffant à haute température. Nous avons suffisamment de forêts dans la région pour l’alimenter.

Enfin, le reliquat pourrait provenir de l’hydrogène vert issu de l’électrolyse de l’eau, à partir d’énergies renouvelables. Des tests ont été effectués à Dunkerque, montrant que l’on peut injecter dans le réseau de gaz, près de 20 % d’hydrogène vert, en aménageant toutefois quelque peu le réseau. Les résultats ont été concluants.

La réponse est donc bien : oui, la France a le potentiel suffisant pour produire à terme 100 % du gaz qu’elle consomme et ne plus en importer !

Photo (GrdF)-Méthamoly, une unité de méthanisation implantée dans les Monts du Lyonnais, qui traite depuis mars 2019, les effluents d’élevage de six fermes et des biodéchets issus du Territoire.