Hébergement d’urgence : une nouvelle approche dans la Métropole de Lyon
Une saturation du dispositif malgré des moyens accrus
La Préfète de région Auvergne-Rhône-Alpes, Fabienne Buccio, a annoncé le lancement d’une expérimentation inédite dans le Rhône pour répondre à la congestion croissante du dispositif d’hébergement d’urgence. Bien que ce dernier ait atteint des niveaux de financement et de déploiement sans précédent, les tensions persistent : 27 000 places d’hébergement sont aujourd’hui financées dans le département, pour un coût annuel de 110 millions d’euros.
Cette capacité, qui a progressé de 150 % en dix ans, ne suffit plus à répondre aux besoins. En 2024, les 377 places supplémentaires ouvertes ont été immédiatement saturées. Aujourd’hui, 7 300 ménages restent en attente d’une solution auprès de la Maison de la Veille Sociale, et la durée moyenne de séjour atteint désormais 44 mois, dont 29 % des personnes hébergées depuis plus de cinq ans.
Un double verrou : logement social et situations administratives
Deux obstacles principaux empêchent la fluidité du dispositif : la tension extrême sur le logement social, avec une attribution pour dix demandes, et la présence majoritaire de personnes en situation irrégulière parmi les publics hébergés. En 2024, seuls 563 logements sociaux ont été attribués à des personnes sans abri et 554 à des sortants de structures d’hébergement.
Face à cette situation, l’État souhaite que le dispositif d’hébergement retrouve sa vocation première : l’accueil en urgence des publics les plus vulnérables, pour des périodes transitoires, avant un relogement ou une orientation adaptée.
Une expérimentation encadrée à Oullins et Vaulx-en-Velin
L’expérimentation engagée par la Préfecture commence dans deux structures gérées par ADOMA, à Oullins-Pierre-Bénite (112 places) et Vaulx-en-Velin (107 places). Elle porte sur 72 situations individuelles, qui feront l’objet d’une analyse approfondie. L’objectif : identifier les ménages pour lesquels les vulnérabilités initiales ne sont plus présentes ou pour lesquels d’autres solutions sont envisageables.
Les services de l’État (préfecture, DDETS, DMI), en lien avec l’Office français de l’immigration et de l’intégration, sont chargés d’instruire ces dossiers. Si les conditions sont réunies, des décisions de fin de prise en charge pourront être notifiées. Il s’agit d’un processus inédit, dans lequel chaque situation est examinée individuellement, selon des critères transparents.
Réorganiser le dispositif pour renforcer son efficacité
Avec cette initiative, l’État entend redéployer les moyens d’hébergement d’urgence vers les personnes qui en ont le plus besoin, tout en favorisant l’orientation vers des solutions pérennes lorsque cela est possible. Cette approche vise également à renforcer l’équilibre budgétaire d’un dispositif coûteux, tout en répondant aux enjeux d’efficacité sociale et de justice dans l’allocation des ressources publiques.
La Préfecture précise que cette démarche expérimentale pourrait être élargie à d’autres sites du département si les résultats s’avèrent concluants.
Un enjeu social, économique et territorial
Cette expérimentation s’inscrit dans un contexte où les tensions sur le logement social, l’hébergement d’urgence et l’accueil des publics précaires deviennent des enjeux structurants pour les métropoles. Elle illustre aussi les limites d’un modèle arrivé à saturation, et la nécessité de concilier solidarité, pilotage stratégique et maîtrise des flux.
Pour les opérateurs du secteur, comme ADOMA, mais aussi pour les collectivités locales, bailleurs, associations et prestataires de services sociaux, cette nouvelle étape constitue un test grandeur nature d’une gestion plus ciblée et plus rationalisée de l’hébergement d’urgence.