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Romain Valery, 6e Sens Immobilier : « Les taux d’intérêts bloquent le marché de l’immobilier »
La crise impact durement le marché de l’immobilier, notamment à Lyon dont les prix ont baissé de près de 10% en quelques mois. Analyse de cette situation avec Romain Valery, Directeur général associé, du groupe 6e Sens Immobilier. Interview.

Quel regard portez-vous sur la situation du marché immobilier lyonnais en cette rentrée 2023 ?

On est pris dans un étau. La montée des taux d’intérêts nous pénalise à double titre. Primo, nous, promoteur immobilier, on emprunte plus cher et surtout nos clients empruntent beaucoup plus cher et donc beaucoup moins. Quand on a fait le calcul, il y a un an et demi, un client achetait avec 1% sur vingt ans, aujourd’hui, ce même client emprunte à 4,5% sur la même durée. Ca réduit in fine la capacité d’emprunt de 25%. C’est-à-dire que si le client pouvait prétendre à 320 000 euros il y a un an, aujourd’hui il ne peut espérer que 240 000 euros. A cela il faut ajouter l’augmentation des coûts de constructions – entre 15 et 20% – je pense entre autres à l’acier et au bois et tous les matériaux qui nécessitent pour leur confection de grosses charges énergétiques. Et cette tendance est encore plus nette dans les bureaux.

Comment jugez-vous la baisse des prix sur Lyon que la FNAIM chiffre à près de 8,4% ?

La FNAIM parle avant tout de l’ancien dans ses études. Et cette baisse des prix est logique puisqu’il y a moins d’acquéreurs. Et ceux qui ont encore la volonté d’acheter dispose d’un budget moindre puisque leur pouvoir d’achat a baissé. Tout repose sur la capacité d’emprunt. Les banques continuent à faire leur travail, le problème, comme je l’ai dit, c’est le taux. Le marché va aussi se gripper. En 2020, 2021 et 2022, les gens ont obtenu des taux très bas or aujourd’hui revendre un appartement acheté avec un taux plus que modeste de 1% pour se relancer dans un nouveau projet à hauteur de 4,5% pose question.

Est-ce que la fin programmée de la loi Pinel en 2024 contribue-t-elle également à pénaliser la situation actuelle ainsi que les perspectives ?

Cette loi se termine en effet fin 2024 et cela freine un certain nombre de promoteurs dans leurs prochains projets. Tant qu’elle existe, on parvient encore à vendre, surtout des petits lots, du studio au T3 en résumé. Mais pour l’après 2024, nous n’avons que peu de perspectives en l’état.

Comment voyez-vous l’avenir du marché à court et long terme ?

Pour ce qui du logement, les bailleurs sociaux sont en train de racheter de manière conséquente des programmes immobiliers. Il faut attendre que le stock se déleste un peu, que les coûts de constructions continuent de baisser, comme ils le font actuellement. Il va y avoir donc un gros écrémage dans le bâtiment. Il faut aussi que le prix des fonciers baissent parce qu’un terrain acheté 2 millions d’euros aujourd’hui, n’en vaudra peut-être plus qu’un million demain. De toute façon, la vérité viendra de l’acquéreur et de sa capacité financière.

Les difficultés du marché sont-elles également mesurables en matière tertiaire ?

L’investissement dans l’immobilier de bureau est quasi nul et ce marché est à l’arrêt. Toujours en raison des taux d’intérêts, les éventuels acquéreurs dans ce secteur n’ont plus d’intérêt à acheter pour louer ensuite car il n’a plus de rentabilité du tout.  L’investissement dans le bureau est donc quasi nul et ce marché est devenu moribond. On estime qu’en France, la demande placée en la matière a reculé de 50% et Lyon fait partie des villes les plus touchées.

Dans ce contexte, tendu, est-ce que l’Etat doit agir afin de relancer le secteur de l’immobilier au sens large ?  

L’Etat ne peut pas se passer des promoteurs privés pour construire du logement et pour qu’ils puissent être en mesure de le faire, il faut des incitations financières, fiscales etc.  Sinon cela va être très compliqué notamment en raison des nouvelles normes qui arrivent et qui vont rendre encore plus onéreuses les constructions. S’il ne se passe pas quelque chose, c’est tout une filière qui est en danger ! Et je suis très inquiet que ce secteur, le nôtre, qui est le second pilier de l’économie française soit autant négligé…